Les
Chouettes Crucifiées
Mon
ami Lucien l'âne, tu sais que le lendemain de leur assassinat par
des déments – vrais cons cagoulés en vengeurs d'un quelconque
prophète – les dessinateurs de Charlie avaient déjà empli le
Paradis de dessins de bites… Il y en avait partout et selon la
rumeur, le propriétaire des lieux aimait ça. Cette petite
introduction pour te dire que si certains aiment dessiner des bites
partout, il y en a d'autres qui veulent mettre des crucifix partout.
D'accord,
j'en ai entendu parlé et puis, des bites, j'en ai déjà vues des
tonnes. Note que des crucifix, depuis le temps que je me balade, j'en
ai vu jusqu'à plus soif, jusqu'à l’écœurement. Alors, comme ton
introduction est finie, accouche… N'y va pas par quatre chemins,
dis ce que tu as à dire et fais-moi voir ta chanson, car je pense
bien que celle-ci, tu l'as écrite…
Oui,
je l'ai écrite aujourd'hui-même, après avoir mis en français un
communiqué de nos amis de l'Uaar (L’UAAR, Unione degli Atei e
degli Agnostici Razionalisti – Union des Athées et Agnostiques
rationalistes), dont j'ai intitulé la version française :
« L'affaire Coppoli ou
la disparition des crucifix ».
Et je pense bien que ce
petit texte – version française t'amuserait beaucoup...
D'autant
plus que c'est moi-même qui l'ai commenté. D'ailleurs, le voici :
L'affaire
Coppoli
Ou
la disparition des crucifix.
Ah,
dit Lucien l'âne, vues d'Europe, ces nouvelles venant de l'Italie
sont des plus surprenantes et ont tout l'air de venir d'un Catholand,
où l'intégrisme semble la mesure de toutes choses. Pour un peu, on
y retrouverait des bûchers et une sainte inquisition. On dirait un
pays resté à la traîne de l'Histoire et nageant dans des relents
moyenâgeux.
Voici
encore l'exemple d'un laïque poursuivi en tant que tel ;
poursuivi pour neutralité scolaire, pour défense de la laïcité de
l'école, prévue par la Constitution...
Italiens,
encore un effort pour devenir laïques !
Lucciano
l'asino.
Note
générale : L'asino Lucciano a l'habitude de commenter les
traductions – en les interrompant par des réflexions exogènes.
Ces escapades sont encadrées de parenthèses et ne reflètent que
les émanations de cet esprit curieux.
Le
Bureau scolaire régional pour l'Ombrie a convoqué, le 5 février
prochain, en vue du débat contradictoire dans sa défense, le
professeur Franco Coppoli, coupable d'avoir décroché les crucifix
du mur de la classe où il enseigne à l'Istituto Tecnico Industriale
et Geometri « Allievi-Da Sangallo » de Terni.
Le
Bureau des procédures disciplinaires reproche au professeur Coppoli,
auquel l'Uaar prête une assistance légale, « le fait qui
d'avoir décroché des murs de quatre classes dans lesquelles il
donne cours les crucifix fixés par des vis et de la colle en
provoquant des dommages aux murs pendant les heures de cours et que
successivement toujours pendant les cours, il ait personnellement
rebouché les trous ». [ Si je comprends bien, dit Lucien
l'âne, on lui reproche d'avoir réparé les murs de l'école…] Le
Bureau « met en évidence que les faits reprochés, les
enlèvements des crucifix des salles, ont fait l'objet d'une
précédente procédure disciplinaire à son encontre et que par
conséquent ils constituent une récidive ».
Une
nouvelle, communiquée le 9 janvier, à la quelle ressemble la
sentence de la Cour d'Appel de Perugia qui, le 15 octobre passé, a
repoussé le recours présenté par le professeur contre la sentence
du Tribunal de Terni, de mars 2013, qui retenait inexistante la
discrimination dénoncée par Coppoli et légitime la suspension de
trente jours infligée pour avoir ôté des crucifix des salles de
l'Institut professionnel « Alessandro Casagrande de Terni »,
où à l'époque il enseignait.
Les
faits remontent à 2008 lorsque Coppoli refusa de rétablir les
crucifix dans la salle de la classe III a — comme l'avait par
contre décidé d'une assemblée de classe et ordonné le dirigeant
de l'Institut — et fut pour cela suspendu pendant un mois de
l'enseignement.
Pour
la Cour d'Appel de Perugia, contre la sentence de laquelle Coppoli a
annoncé qu'il présentera un recours en Cassation, « il ne
semble pas qu'on puisse trouver de discrimination » car la
« décision du dirigeant scolaire, concernant l'exposition de
crucifix, étaient adressée pas seulement au professeur Coppoli,
mais plutôt à tous les professeurs qui enseignaient dans la classe
III a » [ quelle bande de faux culs, dit Lucien l'âne] et donc
« ne comportaient pas de différence de traitement vis-à-vis
de Coppoli par rapport à celui réservé aux autres enseignants ».
La Cour d'Appel retient aussi que Coppoli n'avait pas de titre pour
être victime de « supposée violation » des principes de
bonne conduite et d'impartialité par l'administration publique et
vis-à-vis de la laïcité de l'État puisque ceux-ci (les principes)
« se réfèrent non pas à des droits subjectifs des individus,
mais plutôt à des intérêts diffus, c'est-à-dire de la
collectivité dans son ensemble » [ Évidemment, dit Lucien
l'âne, c'est bien là le nœud du problème : soit on considère
les gens comme des êtres doués de raison et d'une personnalité
propre ; soit on les envisage comme les brebis d'un troupeau et
on les traite en masse ou en collectivité… Ah, comme on peut le
constater : ce bon vieux fascisme n'est pas mort… Bah, dit
l'âne qui en a vu d'autres, ils avaient raison en 68 : Ce n'est
qu'un début, continuons le combat !, qu'ils disaient.]. En se
référant donc à la maintenant tristement célèbre sentence de
2011 de la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de
l'Homme, la Cour soutient que l'exposition du crucifix dans les lieux
de travail « ne peut pas constituer un facteur tel à
conditionner et comprimer la liberté de sujets adultes, doués,
comme c'est le cas de l'appelant, d'un niveau d'instruction élevé
et donc, supposé, doué d'un esprit critique plus détaché que
celui de l'homme moyen, intellectuellement et culturellement moins
équipé ». [ Mais en fait, la question n'est pas là, dit
Lucien l'âne. Pour une personne moyennement douée de sensibilité,
ce semi-nudiste, flottant dans l'air tenu par les bras à une croix,
donne la nausée… Il est carrément morbide et ne devrait en aucun
cas être mis sous les yeux des personnes sensibles, des femmes
enceintes et des enfants. La crucifixion à l'instar du pal, n'était
pas, me semble-t-il, une partie de plaisir [ sauf peut-être, pour
certains adeptes de séances spéciales] et véritablement, si je me
souviens bien de la chose, la crucifixion était quand même censée
être une séance de tortures… Comme disent les jeunes, c'est un
spectacle assez « gore ». Par exemple, juste pour
comprendre : Essayez de crucifier, ne fût-ce qu'un lapin dans
une classe, évidemment dans la bonne intention de faire comprendre
comment fonctionne une crucifixion et les souffrances que l'on
inflige à tout crucifié généralement quelconque, fût-il lapin,
chien, chat, chauve-souris (ça se fait dans le campagnes…), ou
fils de n'importe qui … On criera à l'horreur, au sadisme, à la
violence intolérable, on l'interdira dans l'intérêt des enfants,
pour les protéger de cette ignominie ; on vous poursuivra en
justice ; alors, pensez, tout un homme, même barbu, même en
slip. Eh bien, non ! En Catholand, on fait l'inverse. On prône
la crucifixion publique comme moyen d'instruction ! Mais bien
entendu, pas d'expérimentation sur ces pauvres lapins, chiens,
chats, chauves souris… Même pas sur l'homme en slip… Juste une
figuration… Un totem.]
« Encore
aujourd'hui — commente l'Uaar — chercher à enseigner ou à
exercer son activité ouvrable en des lieux publics connotés de l'un
ou l'autre symbole religieux est difficile et lourd. Il suffit de
penser à l'affaire du juge Luigi Tosti, à celle du prof. Davide
Zotti et à celle où est impliqué le prof. Franco Coppoli, le
chemin des droits civils et de la laïcité de l'État, dans notre
Pays [ l'Italie], est encore en montée, mais l'Uaar est et sera un
instrument de tutelle [ comprendre : aide et protection] et de
solidarité concrète dans ces importantes batailles civiles ».
– Fin de « l'Affaire Coppoli. »
Donc,
Lucien l'âne mon ami au regard si noir, voilà, mon point de
départ : cette affaire Coppoli, dont tu as dit tout le bien
qu'on peut en penser. Mais moi, comme tu le sais, j'ai la foutue
manie de faire des chansons – tout ça à cause des Chansons contre
la Guerre, comme je l'ai déjà raconté. Alors, forcément, j'ai
fait une chanson. En fait,dans cette chanson, deux parties
s'expriment : Ceux qui croyaient au crucifix ; ceux qui n'y
croient pas et le trouvent vraiment dérangeant. Elles s'expriment
alternativement. Les premiers concluent chaque quatrain par un
refrain disons « évangélique » :
« Petits
enfants, si vous croyez,
Bientôt,
avec lui, vous serez. »
Les
seconds, mal-pensants, mécréants, assez proches finalement du
Christ de la Cathédrale d'Amiens de Clovis Trouille, lequel Christ
était descendu de sa croix et se marrait de voir l'église…
s'expriment après chacun de leur quatrain par un refrain qui refuse
le crucifix :
« Pas
de crucifix, mes amis,
Pas
de crucifix, ici. »
Mais,
contrairement à toutes les attentes, comme dans les meilleurs films,
il y a un « happy end » :
« c'est
Jésus-Christ
Qui
crie « Marre du crucifix »... »
On
le comprend, ce Jésus, dit Lucien l'âne. Moi aussi, j'en aurais
marre de rester sur ce machin et en plus à des milliers
d'exemplaires… Je n'aimerais pas qu'on me fasse ce coup-là et
qu'on se paie ainsi ma fiole. Mais je te signale qu'il l'avait déjà
fait savoir par Léo Ferré :
« Mais
peut-être qu'un jour le crucifié
Lâchera ses clous et ses
épines
Sa rédemption et tout le paquet
Et viendra gueuler
dans nos ruines
Y en a marre... Y en a marre...
Y
en a marre ... »
Cette
fois-ci, dit Marco Valdo M.I. en souriant, il faut le constater, ce
n'est plus hypothétique, il le dit nettement : « Marre du
crucifix ».
Et
bien, si tu me disais ta chanson maintenant, ça me plairait bien de
la découvrir et ensuite, on recommencera à tisser le linceul de ce
vieux monde plein de totems, de prophètes et de crucifix, arrosé
d'eaux bénites, théophagique et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.
Regardez
comme il est beau,
On
dirait un grand oiseau.
C'est
un fier aviateur,
Son
père est un grand créateur.
Petits
enfants, si vous croyez,
Bientôt,
avec lui, vous serez.
Quel
est donc cet oiseau de malheur ?
Accroché
à cette croix,
Il
a l'air en mauvais état.
Rien
qu'à le voir, on a mal au cœur.
Pas
de crucifix, mes amis,
Pas
de crucifix, ici.
C'est
un supplicié ; on aurait pu l'écarteler
On
aurait pu l'empaler, le mettre sur un bûcher
Ou
tout simplement, comme tant d'autres, le gazer
Mais
voilà, on l'a crucifié.
Petits
enfants, si vous croyez,
Bientôt,
avec lui, vous serez.
Encore
aujourd'hui dans nos hameaux,
On
crucifie les oiseaux
On
trouve les chouettes crucifiées
Sur
la porte des granges martyrisées.
Pas
de crucifix, mes amis,
Pas
de crucifix, ici.
C'est
de la superstition
Disent
les gens des processions
Qui
portent à bout de bras,
En
cortège, des christs en croix.
Petits
enfants, si vous croyez,
Bientôt,
avec lui, vous serez.
Les
grands esprits civilisés
Se
moquent des totems
Des
autres divinités.
Ils
les brûlent, ils les détruisent même.
Pas
de crucifix, mes amis,
Pas
de crucifix, ici.
Il
multiplie les pains, un vrai boulanger.
Il
marche sur l'eau, il aime les enfants.
On
peut boire son sang ;
On
peut le manger.
Petits
enfants, si vous croyez,
Bientôt,
avec lui, vous serez.
Qui
est ce type en slip au-dessus du tableau ?
On
dirait qu'il va s'envoler là-haut.
On
dirait qu'il est tout nu,
On
voit presque le trou de son cul.
Qui
est ce type en slip au-dessus du tableau ?
Il
est triste et pas rigolo...
Ce
mec-là, c'est Jésus-Christ
Qui
crie « Marre du crucifix »...
Pas
de crucifix, mes amis,
Pas
de crucifix, ici.
Pas
de crucifix, mes amis,
Pas
de crucifix, ici.
Pas
de crucifix, mes amis,
Pas
de crucifix, ici.
Pas
de crucifix, mes amis,
Pas
de crucifix, ici. …..