LA
LIBERTÉ DE CRITIQUER LA
RELIGION
Nous
reprenons ici (traduit de l'italien UAAR
- La libertà di criticare la religione) l'éditorial de Raffaele
Carcano, secrétaire del' Uaar
- Unione degli Atei e degli Agnostici Razionalisti.
Saluons
d'abord le courage de Raffaele Carcano, qui assume cette position de
secrétaire d'une association athée au cœur-même du Catholand.
C'est une tâche qui n'est ni facile, ni sans danger.
D'autant
plus, on le verra ci-dessous, qu'il ne ménage pas les affidés de
quelque religion que ce soit. Qu'il prenne garde cependant :
certains sont morts pour moins que ça – assassinés par les
déments atteints de croyance débile.
Sur
le fond de la question qu'il pose : la liberté de critiquer la
religion, Lucien
Lane, dit l'Asino
resuscitato, librement
athée conformément à la Déclaration
Universelle des Droits de l'Âne, entend apporter son grain de
sel. La critique de la religion, des religions, des religieux, des
dieux, et tout ce saint frusquin, est non seulement un droit
fondamental de tout être vivant, mais c'est aussi un devoir de tout
être vivant libre ou en lutte pour sa libération ou pour la
libération d'autrui. Ainsi soit-il !
Maintenant,
en ce qui concerne les religions des « pauvres » –
étrange argument évoqué par d'aucuns, il faut bien voir ce qu'il
en est, car il y a là une pirouette idéologique qui tend à
travestir le réel. En réalité donc, ces religions (presque
toutes les religions, hormis la Valdese) sont des systèmes
symboliques que les riches et les puissants imposent aux pauvres ou
aux moins forts à seule fin de fonder leur ordre ou l'ordre qu'ils
soutiennent, d'assurer leur pouvoir ou le pouvoir qu'ils soutiennent,
de justifier l'exploitation… Ce sont des tours de passe-passe
idéologiques qui servent à mystifier les gens afin de pouvoir les
manipuler à l'envi. Par ailleurs, la multiplicité des religions est
fille de l'affrontement entre diverses factions de candidats à la
domination. L'actuel avatar musulman illustre parfaitement cette
compétition interreligieuse.
Il
ne s'agit pas d'être contre une religion, il s'agit simplement
d'être contre toutes les religions ; ce qui n'empêche
nullement de les examiner et de les critiquer séparément. En clair,
on peut donc critiquer le prophète de l'une sans nécessairement
être un fan de l'autre.
Alors,
face aux religions : Ora e sempre : Resistenza !
Maintenant et toujours : Résistance !
Lucien
Lane, l'Asino resuscitato.
Le
massacre de Paris a amorcé un débat mondial sur la liberté
d'expression. Sur la nécessité de la protéger, mais aussi sur ses
limites. Il y a ceux qui voient dans les dessinateurs de Charlie
Hebdo des exemples à suivre et ceux qui, dans le sillage du Pape,
les tiennent pour des extrémistes qui l'ont bien cherché en
exagérant l'attaque à l'encontre des sentiments d'autres
extrémistes.t
C'est un débat fondamental que celui en cours. Car il y a en jeu précisément un droit humain fondamental, la base-même de notre civilisation. On comprend très bien, mais elle fait mal quand même, la décision de Luz de ne plus représenter Mahomet. Mais ce qui crée beaucoup plus de malaise, c'est le livre Qui est Charlie ? de l'historien français Emmanuel Todd, dans lequel il soutient que la grande manifestation du 11 janvier a été une espèce d'imposture, une sorte de déclaration de guerre anti-islamique à laquelle en effet n'ont pas participé ni les fidèles musulmans, ni les résidants des banlieues ; Manuel Valls a dû intervenir en personne pour lui répondre.
Quelque
chose de semblable est arrivé aussi aux Usa, où le prestigieux Pen
Club a décidé d'attribuer son prix annuel pour le courage démontré
envers la liberté d'expression justement à Charlie Hebdo,
déchaînant ainsi les protestations de divers écrivains qui en font
partie, car des dessinateurs « portés à la création de
caricatures grossières et à la mise en boîte de la religion »
ne devraient en aucune manière être récompensés. Gary Trudeau, le
très connu dessinateur de Doonesbury, a à son tour attaqué le
journal, car il aurait pris comme cible une « religion de
pauvres ». On critique l'islamophobie et on fait comprendre
que, dessous, il y aurait du racisme.
Le
débat n'est pas nouveau : pensez
à
la
très
lourde confrontation,
c'était il y a déjà deux ans,
entre le journaliste Glenn Greenwald (celui du cas Snowden) et le
nouvel
athée
Sam
Harris.
Mais
ça va en crescendo. Il y a une confrontation à l'intérieur du
monde « libéral » et de gauche déjà soulignée par
Michel Houellebecq dans Soumission, là où il parle de l'opposition
entre « laïques » et « antiracistes ». Entre
ceux qui pensent que la laïcité est une valeur universelle à
défendre à tout prix et ceux qui croient qu'au contraire, il est
nécessaire de défendre avant tout les sentiments religieux de
masses déshéritées. Entre ceux qui, comme le survivant au massacre
Gérard Biard, qui soutiennent que « choquer fait partie du
débat démocratique, être tué non », et ceux qui, au nom du
« politically correct », pensent qu'on doit poser des
limites à la liberté d'expression.
Entretemps,
cependant, dans un pays arabe certes pas déshérité comme l'Arabie
saoudite, le libre penseur Raif Badawi reste en prison, condamné à
dix ans de prison et mille coups de fouet, il y juste un an d'ici.
Tandis
que dans un pays certes pas riche comme le Bangladesh, dans lequel la
laïcité est toutefois une valeur constitutionnelle – un pays où
l'écrivaine Taslima Nasreen, prix Sakharov pour la liberté de
pensée, a été contrainte à l'exil depuis 1994 (et a même une
fatwa sur sa tête) - est en cours une véritable ratonnade d'athées.
Ils en ont tués trois en seulement trois mois : après Avijit Roy et
Wasjiqur Rahman, est frappé Ananta Bijoy Das, massacré en rue à
coups de machette pendant qu'il se rendait à son travail à la
banque.
Rien
d'étrange. Il y a deux ans , dans la capitale Dakka, se déroula une
gigantesque manifestation de masse des islamistes : qui donc ne sont
pas du tout, comme souvent on entend dire, une « petite
minorité non significative ». Les participants demandèrent
que les bloggers athées soient condamnés à mort.
Cela
n'est pas arrivé, et ils (les islamistes) se sont fait justice tout
seuls. L'absence de limites à « leur » liberté
d'expression s'est dramatiquement traduite dans la conviction de
n'avoir aucune limite. Dans les derniers jours, Ananta Bijoy Das
avait été invité en Suède par la section locale du Pen Club pour
parler de persécutions contre les athées, mais le visa lui a été
refusé.
« Il
y avait le risque qu'il ne serait pas rentré dans sa patrie »,
dit maintenant l'ambassade. Maintenant le risque, en admettant qu'il
y en eût, il n'y en a plus.
Ce
sont des bureaucrates des visas qui ne savent pas distinguer un
authentique persécuté d'une jihadiste. Des politiciens à la Ed
Miliband qui veulent criminaliser la critique au mahométisme. Et
tant d'intellectuels sensibles à n'importe quel sentiment des
« masses déshéritées ». Je me trompe peut-être, mais
je ne les ai pas vus dire le moindre mot pour ceux qui, seuls contre
presque tous, cherchent à allumer la lampe de la raison dans des
sociétés peureusement archaïques. Que pourrisse dans silence ce
qui reste des corps d'Avijit, de Wasjiqur et d'Ananta. Et de ceux qui
bientôt les suivront.
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