vendredi 11 mars 2016

DU CÔTÉ DES BÊTES


DU CÔTÉ DES BÊTES

Version française – DU CÔTÉ DES BÊTES – Marco Valdo M.I. – 2016
Chanson italienne – Dalla parte delle bestie – Mimmo Cavallo – 2013




Tout petit, je tenais toujours pour les Indiens



Moi aussi quand j’étais petit, je jouais aux Cow-boys- Indiens, lesquels, malgré les westerns de John Ford et John Wayne, me plaisaient seulement lorsqu’ils se tiraient dessus. Peut-être déjà quand j’étais petit, les perdants me plaisaient plus ; pour parler comme Finardi « Nous sommes tous Vil Coyote ». Et alors ce morceau pourrait donner le départ à une série de chansons pour un parcours « Du côté des perdants ». 

Dialogue Maïeutique

Mon cher Lucien l’âne, cher ami, je ne sais si chez les ânes, on joue aux cows-boys (il y a plusieurs boys, mais aussi ils gardent plusieurs vaches ; généralement, un troupeau ; d’où, la nécessité de mettre au pluriel les vaches – en anglais cow ; et les gars, en anglais boy) et aux Indiens (il y a généralement, plusieurs Indiens), aux gendarmes et aux voleurs (voir ce qui est dit des vaches et des gars), aux brigands et aux carabiniers…


En effet, les ânes ne jouent pas à des jeux aussi « humains ». Mais je les connais quand même ; quoique du temps où j’étais encore un garçon, je n’ai jamais joué à de pareils jeux ; on jouait au gibier-chasseurs ; il est vrai que certains jouaient aux Spartiates – Athéniens ou aux Grecs – Perses, aux citoyens – ilotes, aux maîtres – esclaves. Une remarque piquante, si tu veux bien l’entendre : je n’ai jamais entendu, ni a fortiori, vu jouer aux fascistes-communistes, ni aux patrons-ouvriers… sauf chez les adultes, évidemment !


Bref, en matière de jeux, ce sont des universaux. On les trouve partout sous des dénominations et des formes diverses. Ces jeux sont les premières manifestations formalisées de la Guerre de Cent Mille Ans dans la vie enfantine. Avant cela, dès les premiers instants de socialisation, dès que se forment des groupes d’enfants, de contemporains, on voit apparaître des comportements de dominants et des comportements de dominés. C’est une chanson où dans la mythique guerre, dans la guerre fantasmée, le « héros », entretemps déjà plus âgé, prend parti pour les « perdants ». Je n’aime d’ailleurs pas trop cette formulation. Je parlerais plutôt volontiers d’un côté : de révoltés, d’agressés, de défenseurs et de l’autre côté : d’attaquants, d’agresseurs et de dominateurs. C’est donc une chanson qui pose à sa manière la question centrale de la Guerre de Cent Mille Ans et qui, en même temps, montre l’importance des jeux d’enfants dans la formation de la personnalité du petit humain. Sans doute même qu’elle dévoile quelque chose de plus profond qu’on ne l’imagine habituellement : le fait que la division en deux camps opposés de l’humanité s’établit très tôt dans l’existence. Je dis ça sans chercher à trancher la question de l’éventuelle propension génétique ou d’un acquis de socialisation ; même si, j’ai fortement tendance à imaginer que ces types de comportement sont des traits sociaux qui sont le résultat d’une éducation ou d’une absence d’éducation, souvent induit. Une sorte d’imprégnation par le milieu dans lequel le jeune enfant baigne. Ce qui ferait que sauf changement volontaire ultérieur, le pli est pris et on se retrouve de l’un ou de l’autre côté.


Si je comprends bien, dit Lucien l’âne en fronçant ses énormes sourcils, on est très rapidement soit du camp des riches et des puissants, soit de celui des pauvres ou des faibles. La Guerre de Cent Mille Ans commence très tôt chez les hommes. Mais alors, il n’en reste pas oins que si ce positionnement social se fait par imprégnation, il échappe à la volonté de l’enfant ; il lui est instillé, il s’impose dès le plus jeune âge.


En effet, c’est comme le baptême, c’est comme un conditionnement qui se fait en dehors de la volonté de la personne elle-même (trop jeune encore pour déjà en avoir une très développée) et qui lui est imposé. Et comme pour l’attachement à une croyance, à une religion, seule la raison peut redresser la barre. Évidemment, tout dépend du côté où l’on se place ; on peut choisir d’aller dans le sens imposé ou dans l’autre ; soit maintenir le cap, soit s’orienter de l’autre côté. Ce choix est le résultat de ce processus souterrain qu’on appelle la pensée et la conscience morale. Dans la conscience de l’enfant s’établit progressivement une sorte de cartographie, un dictionnaire, un guide interne, une boussole qui lui indique les choses qui se font, celles qui ne se font pas ; ce qui est acceptable, ce qui ne l’est pas. Cependant, l’imprégnation par le milieu est très précoce et il est très difficile de s’en départir ; d’autant plus difficile qu’on la renforce par l’éducation. C’est ce qui explique que les religions (avec ou sans Dieu(x)) entendent mettre la main sur l’éducation dès la plus petite enfance afin de pouvoir museler toutes les tentatives d’émancipation des enfants et des jeunes et par voie de conséquence, également, celle des adultes et de toute l’humaine nation.


En effet, dit Lucien l’âne, l’enjeu est de taille… Quant à moi, j’aime beaucoup cette expression qui donne le titre à la canzone : « Dalla parte delle bestie – Du côté des bêtes », qui me paraît aller dans le même sens que noter propre antienne : « Noi, non siamo cristiani. Siamo somari – Nous, nous ne sommes pas des chrétiens, nous sommes des bêtes de somme. » À présent, il nous reste à reprendre notre tâche et tisser le linceul de ce vieux monde encombré de Dieux, de prophètes, de religieux et cacochyme.


Heureusement !


Ainsi parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane




Tout petit, je tenais toujours pour les Indiens
Qui étaient chassés par les Américains.
Du côté des bêtes.
Toute ma vie contre la peste,
Contre les premiers de classe,
Les espions des maîtresses.

Je me rappelle au cirque ces lions sans dents,
Au sourire triste, éteint et fatigué de perdants
Et tous ces zèbres, et tous ces singes
Si gais, si sautillants,
Mais dans mon cœur, des momies,
Mais dans mon cœur, des momies
Me persécutaient sans bruit.

Elles mettaient le sel au milieu des cheveux
Et ces regards perçants me lançaient des lazzis.
Il est fou debout sur le bord d’un toit.
Il est fou quand il sort, serrez-le à l’étroit.
Il est fou sur la porte de chez lui, on a écrit :

Du côté des bêtes, des bêtes,
Du côté des bêtes, des bêtes,
Toute ma vie contre la peste,
Du côté des bêtes, des bêtes,
Du côté des bêtes et des perdants,
Du côté des bêtes et des perdants.
Toute ma vie en montrant les dents,
Du côté des bêtes, des bêtes.

Tout petit, je tenais toujours pour les Indiens
Qui étaient chassés par les Américains.
Du côté des opposants fiers,
Toute ma vie par les sept mers,
Contre les rets des chasseurs,
Et les pièges des trappeurs.
Pauvre de moi, je m’illusionnais, je voulais changer le monde,
Mais je me suis pris des claques
Et maintenant, c’est le fond que je racle.
Mais j’espère au paradis me débarrasser de l’hyène
Qui me poursuit sans gêne,
Dans ma vie sur scène,
Dans ma vie sur scène.

Du côté des bêtes, des bêtes,
Du côté des bêtes, des bêtes,
Toute ma vie contre la peste,
Du côté des bêtes, des bêtes,
Du côté des bêtes et des perdants,
Du côté des bêtes et des perdants.
Toute ma vie en montrant les dents,
Du côté des bêtes, des bêtes.

Et si vous venez me chercher, je suis ici
Dans ce train de dernière classe, oui.
Du côté des bêtes, des bêtes,
Du côté des bêtes, des bêtes,
Toute ma vie contre la peste,
Du côté des bêtes, des bêtes,
Du côté des bêtes et des perdants,
Du côté des bêtes et des perdants.
Toute ma vie en montrant les dents,
Du côté des bêtes, des bêtes.
Du côté des bêtes et des damnés,
Du côté des bêtes et des damnés,
Il y a une bande de pirates,
Du côté des bêtes et des damnés,
Du côté des bêtes et des opposants,
Du côté des bêtes et des opposants.
Toute ma vie par les sept mers et les océans,
Du côté des bêtes, des bêtes,
Du côté des bêtes, des bêtes…

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