dimanche 6 mars 2016

MER DES ÉMIGRÉS

MER DES ÉMIGRÉS




Version française – MER DES ÉMIGRÉS – Marco Valdo M.I. – 2016
Chanson italienne – Mar dei migranti – Sine Frontera – 2015




Mère d'émigrés

MER DES ÉMIGRÉS


Version française – MER DES ÉMIGRÉS – Marco Valdo M.I. – 2016
Chanson italienne – Mar dei migranti – Sine Frontera – 2015


Un morceau, explication du titre, qui affronte une thématique aujourd’hui plus que jamais tristement actuelle et voisine : le drame vécu par des milliers de personnes forcées de guerres et la misère à abandonner leur pays natal, en défiant la mer, pour rejoindre les côtes européennes. Le texte raconte à la première personne, le malheureux voyage d’un réfugié, à bord d’un canot pneumatique bourré de personnes, à la recherche d’une vie qu’on espère meilleure. Comme toujours sensibles aux thèmes sociaux, les Sine Frontera décident de leur dédier ce premier morceau, anticipation du nouveau disque « Restiamo umani – Restons humains », à cette tragédie collective, évoquée dans ce voyage, qui malgré son apparente brièveté kilométrique, semble ne jamais finir, tout autant que dangereux, et qui comporte le douloureux éloignement des affections et des lieux aimés, à la recherche d’un monde nouveau.



Dialogue Maïeutique

Entre le réfugié, l’émigré, le migrant, le fuyard, le rescapé de la guerre et la terre d’exil, il y a souvent une mer ou mieux encore, un océan. Même si c’est difficile à traverser et risqué et dangereux, même quand la mer est faite de rocailles, l’océan de sable, car pour bien des exilés, c’est le cas. Certains, presque tous, cumulent : plaines interminables, villes dangereuses, montagnes désertes, fleuves infranchissables, déserts mortifères, mers, frontières… Et à tout cela, il faut ajouter le soleil, la pluie, le gel, la neige, la chaleur, le froid, le vent, la faim, la soif, la maladie, la brutalité, la violence et mille autres inconvénients. Et du côté du paradis d’accueil, il y a la bêtise des hommes ou leur méchanceté, que sais-je, qui en ajoutent encore : ils entendent juger de la cause du départ, de l’origine de l’exil. Soyons net : la cause principale, celle qui vient en premier lieu, c’est la misère. Mais la misère n’est pas une bonne raison pour s’exiler, ni la faim, ni la maladie… Ces émigrés-là, ces migrants, certaines bonnes gens (les assis sur leurs sièges, les culs dans le beurre, comme on dit chez nous) veulent les rejeter. Pourtant la faim, la bête, la terrible faim est bien plus assassine que les bombardements et elle pousse à l’exil bien plus de gens. Mais voyez-vous, ma chère, ce sont des réfugiés « économiques ».

Seraient-ils moins chers ?, qu’on les qualifie ainsi d’économiques, demande Lucien l’âne.


Ce n’est certainement pas pour cette raison. Tout simplement, ils fuient la misère économique ; cette banale misère qui tue. Mais la mort et la terreur économiques ne peuvent être dévoilées sans mette en cause la richesse des maîtres du monde. Les réfugiés qui fuient un régime adverse et reconnu comme tel par les « nations civilisées » ont droit à plus d’égards. Ils ont droit au titre de réfugié disons « officiel », « estampillé » et tout se passe relativement bien pour eux tant qu’ils sont peu nombreux. Ensuite, plus leur nombre s’accroît, plus leur accueil devient problématique. C’est mathématique. Ce sont les émigrés de la chanson : ils peuvent payer leur fuite.


Mais pourquoi donc cette différence, pourquoi cette ségrégation…, demande Lucien l’âne en assombrissant le regard. Et que fait-on des autres de ceux qui fuient sans ce « label », les opposants politiques, les libres penseurs, les porteurs de liberté ? On sait et si on ne sait pas, c’est qu’on ne veut pas savoir, on sait que le sort des incroyants est des plus terribles dans les pays où fleurit la religion – peut importe laquelle, peu importe son idole.


Ah, Lucien l’âne mon ami, tu le sais bien toi, que les idoles sont des enfants débiles qui veulent qu’on les considère, qu’on les respecte et qu’on en passe par tous leurs caprices. Et des caprices, elles ont en ont de tous les genres : alimentaires (mangez ceci, ne mangez pas cela – du porc, par exemple) ; vestimentaires : habillez-vous comme-ci, ne montrez pas cela (le cheveu, le bras, la jambe, le nombril et finalement, tout le corps) ; totalitaires : ne vous coupez-pas ceci (barbe, cheveu), coupez-vous cela (prépuce, lèvres vaginales). Le Bochiman avait raison : Les dieux sont tombés sur la tête. Mais comme ils n’existent pas, on délèguera la responsabilité de ces imbécillités aux prophètes ces inventeurs vindicatifs et farfelus.


À propos d’injonctions divines vestimentaires, dit Lucien l’âne en jetant un regard malicieusement noir, il me revient en mémoire, à l’instant, un excellent livre de Pierre Louÿs – Les Aventures du Roi Pausole, où les jeunes filles et les femmes doivent impérativement porter un fichu sur la tête. On y voit donc les demoiselles et les dames se promener (le Royaume de Pausole est un pays où heureusement il fait chaud), à commencer par la fille du Roi, nues avec un fichu sur la tête. Malheur à celle qui le perd ! Ce foutu fichu.


Lucien l’âne mon ami, tu dérives. Revenons à cette histoire d’émigration marine. Établissons une solide vérité : le sort de ces réfugiés est détestable et c’est une honte qui retombe en poussières vénéneuses sur ceux qui les rejettent. Mais le pire, c’est le destin des pauvres de là-bas qui n’ont même pas la ressource de fuir et qui doivent subir et la misère et la guerre et les envahisseurs assassins et les bombes des libérateurs du ciel. Il faut à tout moment réfléchir le propos dans le cadre de la Guerre de Cent Mille Ans que les riches, les puissants et les candidats à la richesse et à la puissance font aux pauvres pour assurer leur domination et démultiplier leurs richesses. L’humaine nation ne connaîtra la paix véritable et définitive qu’avec la disparition du goût de la richesse, de l’arrogance du pouvoir, de l’ambition de dominer et de l’habitude d’imposer ses lubies.


Alors, reprenons vite notre tâche et tissons le linceul de ce vieux monde capricieux, religieux, absurde, assassin et cacochyme.


Heureusement !


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane




J’ai abandonné ma maison un jour de fin septembre
Tous disaient « Partons, qu’avons-nous à perdre ? »
J’ai laissé mon peu de choses
Et un bouquet de roses
À ma mère.

Sur la plage, tous veulent partir. Le ciel est beau.
L’Europe est proche ; un filet de mer nous sépare.
J’ai donné toute ma fortune
Pour une place assise sur le radeau.
De la main, je peux effleurer l’eau.

40 milles au Nord, le ciel commença à crier
Aux… lucides et aux fatigués,
Bienvenus sur la Mer des Émigrés.

On naviguait dans la nuit,
Moi, j’imaginais une vie
Sans guerre dans un lointain pays civilisé.
Et je vis
Dans les yeux médusés,
Peur et terreur
Quand s’éteignit
Le moteur.

40 milles au Nord, le ciel commença à crier
Aux… lucides et aux fatigués,
Bienvenus sur la Mer des Émigrés.

Hommes, femmes, enfants, serrés l’un contre l’autre,
Tremblent, pleurent ; la mer monte.
Nous nous abandonnons à notre destin,
Nous nous abandonnons à notre sort :
À la vie ou à la mort.

40 milles au Nord, le ciel commença à crier
Aux… lucides et aux fatigués,
Bienvenus sur la Mer des Émigrés.
Sur la Mer des Émigrés.
Sur la Mer des Émigrés.

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