dimanche 28 février 2016

NOTRE MOHAND

NOTRE MOHAND


Version française – NOTRE MOHAND – Marco Valdo M.I. – 2016
d’après la version italienne de Vermondo Brugnatelli d’une
Chanson kabyle – Muḥend-nneɣ – Idir – 1979
D’après le poème Isitiden ("Les saints") de Ben-Mohamed
Musique et interprétation: Idir (https://fr.wikipedia.org/wiki/Idir)
Texte : Ben-Mohamed






Aucun problème de « partialité » pour notre site : si nous insérons cette chanson dans l’« Antiwar Anticléricales », parcours où elle doit se trouver, il nous faut préciser que la chose ne se limite pas et ne peut pas se limiter à l’église catholique ou aux églises chrétiennes. Les élucubrations et les infamies religieuses, porteuses de guerre, n’ont pas différences entre leur dieux, leurs saints, leurs idoles. [RV]

« Si de nos jours l’attention d’Idir est tournée surtout
vers les questions de l’identité et à la recherche d’une cohabitation parmi des cultures différentes, tandis qu’elle est marquée (mais pas certes totalement) par la veine « contestatrice » et de dénonciation des maux de la société algérienne ; dans les premiers temps de son activité, on trouvait une considérable charge de contestation des valeurs traditionnelles considérées comme des entraves au développement d’une société moderne.
La chanson muḥend-Nneɣ (« notre Mohand ») en est un exemple, chanson où il reprend un texte de Ben Mohamed dans lequel, en imitant la forme traditionnelle de l’adekker en honneur des saints de village, on dénonce le danger et l’inutilité de ces cultes populaires qui poussent les gens à des attitudes de passive résignation en attente de quelque miracle. »
Vermondo Brugnatelli, La canzone cabila
(La chanson kabyle)


Notre Mohand est un surhomme :
Il a égorgé un boeuf et l’a ressuscité,
Les anges le considèrent comme un saint
Qui lui désobéit, il le paralyse.
Mais où était ce surhomme
Quand l’ennemi est arrivé ?
Tout le pays se plaint,
« Ô saints, faites disparaître notre malchance »
Peut-être son pouvoir magique s’est-il envolé
Quand il a commencé à pleuvoir des balles.

Notre Mohand est un surhomme
Un mot de lui et les montagnes s’agenouillent
Il a débarrassé les obstacles à la vue
Afin que les fidèles puissent voir La Mecque
Mais où est le surhomme
Quand les mères ont pleuré
Celui-ci était frappé, celui-là exilé
Celui-ci a fui, celui-là est sous terre
Même le cheikh du village est tombé
La crue l’a emporté.

Glisse, va, fous le camp
Dégage avec tes emmerdements.




LES SAINTS
Version française – LES SAINTS – Marco Valdo M.I. – 2016
d’après La version italienne de Vermondo Brugnatelli de
Isitiden – poème de Ben-Mohamed, dont est tirée la chanson d’Idir.



Sidi Yahia Lâidali
A égorgé un bœuf et l’a ressuscité,
Les anges le considèrent comme un saint
Qui lui désobéit, il le paralyse.
Mais où était-il Lâidali
Quand est arrivé l’ennemi ?
Tout le pays se plaint,
« Ô saints, faites disparaître notre malchance »
Peut-être son pouvoir magique s’est-il envolé
Quand il a commencé à pleuvoir des balles.


Ô Sidi Touati Ahwayli
Un mot de lui et les montagnes s’agenouillent
Il a débarrassé les obstacles à la vue
Afin que les fidèles puissent voir La Mecque
Mais où est le surhomme Ahwayli
Quand le peuple était enchaîné ?
Elle ne lui plaît peut-être pas la liberté
Il fuit l’odeur de la poudre
Il s’est calfeutré à l’ombre de l’ermitage
Dans son refuge, il revigore ses forces.


Soi-disant saint des Miracles
Accumula un tas de peaux
Et de chacune sortit un chevreau
Qui s’en alla à pied
Là où était le saint des miracles
Quand pleuraient les mères
Celui-ci était frappé, celui-là exilé
Celui-ci fuit, celui-là sous terre
Il s’est retiré là-bas en son sanctuaire
Et la crue l’a emporté. 

vendredi 26 février 2016

LE MEILLEUR DES MONDES POSSIBLES

LE MEILLEUR DES MONDES POSSIBLES

Version française – LE MEILLEUR DES MONDES POSSIBLES – Marco Valdo M.I. – 2016
Chanson italienne – Il migliore dei mondi possibili - Massimo Priviero – 2015



Le Meilleur des Mondes Possibles 
Séisme Lisbonne 1755
100.000 morts



Chacun défend son pré carré.
Et peu sentent vraiment le besoin d
u bien commun. Celui qui a le cul protégé regarde de haut celui qui n’en sort pas. Est-ce ce que vous voulez ?
Dans ce cas,
ignorez LE MEILLEUR des MONDES POSSIBLES. Dans le cas contraire, écoutez et vivez comme cette chanson. Chacun de nous a le devoir, pour ce qui le concerne, de faire de son mieux pour que peut-être, un jour, le nôtre soit le meilleur des mondes possibles. »

Massimo Priviero

Le concept du « meilleur des mondes possibles » est un concept philosophique de Gottfried Wilhelm von Leibniz.

Dialogue maïeutique entre l’âne et l’humain

Voici, Lucien l’âne mon ami, dit Marco Valdo M.I., une chanson on ne peut plus contemporaine, musicalement inspirée d’une chanson étazunienne. Mais, oh miracle, elle se réfère aussi à un grand philosophe allemand du temps passé, ainsi qu’il est dit ci-dessus, le très savantissime et théologique Gottfried Wilhelm von Leibniz, lequel inventa (au sens latin du terme : qui mit au jour, découvrit, trouva, imagina, rêva…) la perfection divine et son corollaire absolu de l’optimisme, le mal du monde. Ce qui fait finalement que grâce à Dieu, ce divin mal est compensé par un encore plus grand et encore plus divin bien. Ainsi logiquement, nous sommes dans le meilleur des mondes (pouvait-il en être autrement avec un Dieu créateur parfait ?), mais en raison de cette curieuse marche d’Echternach où un pas de bien s’acquiert par un pas de mal nécessaire, en raison donc de cette restriction luxembourgeoise, il ne peut être que le meilleur possible.
Bref, il anticipe la loi de Murphy (https://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_de_Murphy), selon laquelle il y a toujours un inconvénient.


Moi, après des milliers d’autres, je m’en vais exposer ma version de cette loi dans une connotation leibnizienne : « Tout finit toujours par s’arranger, même mal ». Cela dit, je te trouve prêt à déverser un torrent d’ironie…


Pas vraiment, Lucien l’âne mon ami, un peu quand même. Enfin, tu n’as pas tort. Mais j’aimerais que tu m’expliques comment ne pas évoquer ici l’ineffable Pangloss (un émule de Leibniz ou une figure emblématique du-dit), Mademoiselle Cunégonde et l’Optimiste Candide, tous présentés dès 1759 au monde par Monsieur le Docteur Ralph, à l’état-civil François-Marie Arouet, alias Voltaire (notamment). Car cette histoire du « meilleur des mondes possibles » est le ressort leibnizien du Candide de Voltaire, sans aucun doute un des livres les plus emplis d’acide comique et les plus tissés de fibre ironique qui soient. Disons que la chanson me semblerait mieux inspirée par Candide que par le grand philosophe Pangloss (alias Leibniz) et sa théologie cosmicologique.


C’est en effet un ravissement, dit Lucien l’âne en tressautant de rire, que de lire Candide où Mademoiselle Cunégonde perd un nombre considérable de fois sa vertu, où la vieille a perdu sa fesse, où Pangloss assiste au séisme de Lisbonne qui rasa la ville et fit cent mille morts et où in fine, Candide conclut de toute l'histoire : « Cela est bien dit, mais il faut cultiver son jardin » et j’ajouterai, et tisser le linceul de ce vieux monde impossible, cacophonique, cacographique, catatonique, catastrophique et cacochyme.


Heureusement !



Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Chaque jour qui passe de ma vie
Dans ce temps malade de sa folie
Des côtes de la mer jusqu’aux villes
Des nuits de lune à l’aube qui viennent
Je vois des gens qui n’ont plus de voix,
Je vois des gens qui crient et qui disent

Le meilleur des mondes possibles,
Le meilleur des mondes possibles,
Le meilleur des mondes possibles n’est pas ici.

Sur les visages que je rencontre dans ma rue
Dans le droit bafoué derrière chez toi
Où est l’avenir d’un fils que tu ne vois plus
Où est la force qui sert pour s’élever
Je vois des gens qui n’ont plus de voix,
Je vois des gens qui crient et qui disent

Le meilleur des mondes possibles,
Le meilleur des mondes possibles,
Le meilleur des mondes possibles n’est pas ici.

Car il n’y a pas de soleil dans mon ciel
Car cette terre n’est plus la mienne
Car parmi mille regards, tu es un homme seul
Car il n’y a pas de route qui soit la tienne
Car un homme tire au nom d’une foi
Car il y a celui qui a faim et celui qui ne le voit pas
Car nous ne croyons pas en un bien commun
Car l’amour n’existe pas
Lève tes yeux vers le ciel et crie
Lève les mains vers le ciel et crie
Lève ton cœur vers le ciel et crie
Lève la voix au ciel et crie

Le meilleur des mondes possibles,
Le meilleur des mondes possibles,
Le meilleur des mondes possibles n’est pas ici.

Le meilleur des mondes possibles,
Le meilleur des mondes possibles,
Le meilleur des mondes possibles n’est pas celui-ci.



L’Araignée de l’Escurial - Ulenspiegel le Gueux – 30


L’Araignée de l’Escurial


Chanson française – L’Araignée de l’Escurial – Marco Valdo M.I. – 2016

Ulenspiegel le Gueux – 30

Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – I, LXXXV)

Cette numérotation particulière : (Ulenspiegel – I, I), signifie très exactement ceci :
Ulenspiegel : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs, dans le texte de l’édition de 1867.
Le premier chiffre romain correspond au numéro du Livre – le roman comporte 5 livres et le deuxième chiffre romain renvoie au chapitre d’où a été tirée la chanson. Ainsi, on peut – si le cœur vous en dit – retrouver le texte originel et plein de détails qui ne figurent pas ici.

Philippe, plus apostolique que le pape,
Plus catholique, plus romain que les conciles,
Araignée solitaire, depuis son Escurial,
Pinces noires ouvertes, étend sa toile.


Nous voici, Lucien l’âne mon ami, à la trentième canzone de l’histoire de Till le Gueux. Les vingt-neuf premières étaient, je te le rappelle :

01 Katheline la bonne sorcière [[50627]] (Ulenspiegel – I, I)
02 Till et Philippe [[50640]](Ulenspiegel – (Ulenspiegel – I, V)
03. La Guenon Hérétique [[50656]](Ulenspiegel – I, XXII)
04. Gand, la Dame [[50666]](Ulenspiegel – I, XXVIII)
05. Coupez les pieds ! [[50687]](Ulenspiegel – I, XXX)
06. Exil de Till [[50704]](Ulenspiegel – I, XXXII)
07. En ce temps-là, Till [[50772]](Ulenspiegel – I, XXXIV)
08. Katheline suppliciée [[50801]](Ulenspiegel – I, XXXVIII)
09. Till, le roi Philippe et l’âne [[50826]](Ulenspiegel – I, XXXIX)
10. La Cigogne et la Prostituée [[50862]](Ulenspiegel – I, LI)
11. Tuez les hérétiques, leurs femmes et leurs enfants ! [[50880]](Ulenspiegel – I, LII)
13. Indulgence [[51015]] (Ulenspiegel – I, LIV)
14. Jef, l’âne du diable [[51076]] (Ulenspiegel – I, LVII)
15. Vois-tu jusque Bruxelles ? [[51124]] (Ulenspiegel – I, LVIII)
16. Lamentation de Nelle, la mule et la résurrection [[51150]] (Ulenspiegel – I, LXVIII)
17. Hérétique le Bonhomme [[51196]] (Ulenspiegel – I, LXIX)
18. Procès et condamnation [[51215]] (Ulenspiegel – I, LXIX)
19. La Mort de Claes, le charbonnier [[51256]] (Ulenspiegel – I, LXXIV)
20. Le Talisman rouge et noir [[51272]] (Ulenspiegel – I, LXXV)
21. La Vente à l’encan [[51310]] (Ulenspiegel – I, LXXVI)
22. Telle est la Question [[51392]] (Ulenspiegel – I, LXXVIII)
23. Charles et Claes [[51454]] (Ulenspiegel – I, LXXIX)
24. Trois cents ans de torture [[51457]] (Ulenspiegel – I, LXXIX)
25. Au bord du canal [[51479]] (Ulenspiegel – I, LXXXIV)
26. Le Géant Hiver [[51532]] (Ulenspiegel – I, LXXXV)
27. Le Roi Printemps [[51540]] (Ulenspiegel – I, LXXXV)
28. Le Printemps [[51543]] (Ulenspiegel – I, LXXXV)
29. Vengeance et Mort – Till et Nelle (4) [[51546]] (Ulenspiegel – I, LXXXV)



Je sais, je sais, Lucien l’âne mon ami, ce que tu vas immanquablement me dire et me demander. Tu vas trouver ce titre « L’Araignée de l’Escurial » fort énigmatique et tu vas me demander de te l’expliquer.


Évidemment, je ne peux faire autrement que te tendre la perche. En somme, c’est le rôle du faire-valoir et ici, à ce moment de notre dialogue maïeutique – encore une de tes belles trouvailles – le faire-valoir, ici, c’est moi. Donc, je te dis que ce titre énigmatique est fort étrange et demande une explication. Tu remarqueras cependant que c’est le titre qui demande une explication et pas moi.


Maintenant que la perche est tendue, j’en profite pour répondre à la demande et expliquer cette Araignée de l’Escurial. Mais allons-y pas à pas. Donc, en premier, l’araignée est cet animal arthropode, si je ne me trompe ; du moins, l’araignée commune. Pas celle de la chanson, qui elle est un homme, comme on le verra plus loin. Donc, l’araignée est cet animal qui tisse sa toile pour y (notamment) capturer d’autres insectes et les dévorer. À proprement parler, elle ne dévore pas ; elle dissout et puis, elle suce sa proie, tout simplement, car elle ne peut mastiquer. Puis, il y a l’Escurial.


Ah ! L’Escurial, celui-là, je le connais. C’est un grand bâtiment, une série de bâtiments qui servaient de palais royal, de monastère, de basilique et de cimetière pour les monarques espagnols. Je me souviens même du temps où il n’était pas là, du temps où il n’avait pas encore été construit. J’y étais passé du temps de Don Quichotte, de ce temps où j’accompagnai le Chevalier au plat à barbe.


C’est bien celui-là. Et c’est Philippe – celui dont parle la canzone – qui l’avait fait bâtir. Il avait fallu plus de vingt ans pour le terminer. C’est dans ce palais que Philippe va se retirer. Et l’Araignée dont il est question dans la chanson, c’est lui.


Voilà donc le mystère du titre éclairci. Pour le reste, que raconte cette chanson ?


C’est en fait une sorte de portrait de Philippe ; pas un portrait physique, mais un portrait « moral », une description de son caractère, plus exactement de sa façon de penser, une évocation de ses ruminations assassines. En fait, c’est un moment de mise au point dans le récit qui reprend en ce début du Livre Deux de la Légende. C’est un texte central dans la démonstration de Charles De Coster. Philippe est l’incarnation du pouvoir et de l’intolérance religieuse. Oh, Philippe n’est pas le seul tyran de son époque et l’intolérance et la dictature religieuses faisaient florès des deux côtés de la Réforme et de la Contre-Réforme.


Oh, dit Lucien l’âne sérieux comme un âne, la terreur a toujours été l’arme de la mauvaise foi. 


Certainement, mais à ce stade du récit, ici et maintenant, il s’agit de montrer celui qui représente tout ce que Till le Gueux va combattre et aussi de faire l’inventaire des raisons qui vont pousser les Gueux au combat contre l’intolérance religieuse et pour la liberté de conscience. Mais l’affaire va bien au-delà ; à la longue, cette lutte, qui se poursuit encore aujourd’hui, va promouvoir la libre pensée (libre de tout dogme – religieux ou non) et plus loin encore, la liberté de l’humaine nation et de l’individu face à tout pouvoir. La chanson se conclut d’ailleurs sur cette phrase lumineuse :
« Alors s’embrasent les feux de la résistance. »


Ce qui est assez proche, me semble-t-il, de notre motif : « Ora e sempre : resistenza ! », dit Lucien l’âne en clignant de ses yeux noirs de basalte. C’est quand même une chose curieuse que tu nous fais faire que ces chansons mises bout à bout qui racontent une si longue histoire et suscitent tant de réflexions.

D’ailleurs, il me faut te faire ici une confidence. Souvent quand je rencontre des gens, ils m’interrogent à propos des chansons, du genre de chansons que nous faisons ; ils veulent savoir combien il y en a ; ils sont très étonnés de ce que je leur réponds et certains même disent que ce ne sont pas là des chansons. Il m’est aisé de les détromper et de leur montrer chanson de Roland à l’appui ou à l’aide de la complainte des fileuses de Chrétien de Troyes, ce qu’est réellement la chanson et combien ils sont abusés par les marchands et leurs produits chansonniers mercantiles, écrasés, compactés, formatés, bref, totalement créés pour être vendus. J’imagine que tu sais tout cela et ceux qui s’intéressent à nous jusqu’à nous lire le savent aussi.

Mais à présent, je m’en vais, je m’en vais, car il nous faut reprendre notre tâche et tisser, inlassablement tels d’inconnus canuts, le linceul de ce vieux monde béni oui-oui, intolérant, obéissant, croyant et cacochyme.


Heureusement !


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Philippe le roi morne
Paperasse sans relâche
Il barbouille papiers et parchemins
De ses tortueuses pensées de souverain.

Philippe n’aime personne et pire
Personne ne l’aime.
Il porte seul tout son empire
Et sous le poids du fardeau, la tête s’incline.

Philippe, roi triste, froid, sec, dur rumine
Détestant même jusqu’au visage du bonheur.
Philippe dort mal et le travail le mine.
Son corps faible s’use sous l’effet de langueur.

Philippe tient en haine la gaieté
En haine aussi le libre parler.
La révolte contre l’Église romaine
Par mille sectes pique sa folle haine.

Philippe tourmenté du désir superbe
De tenir Sa Sainte Mère l’Église vierge
De changement : une, entière, universelle,
Confirme à tous sa vérité éternelle.

Philippe, plus apostolique que le pape,
Plus catholique, plus romain que les conciles,
Araignée solitaire, depuis son Escurial,
Pinces noires ouvertes, étend sa toile.

Sous son père, l’Inquisition par le bûcher,
Par la fosse, par la corde avait tué
Cent mille chrétiens, sans même compter les impies
Et rincé leurs biens comme lave la pluie.

Philippe dit : ça ne rapporte pas assez.
Il impose de nouveaux évêques,
Il importe une Inquisition plus ibérique,
Ainsi s’affirme son intangible volonté.

Au son de trompes et de tambourins,
Les hérauts lisent à tous les coins
Les royaux placards terribles et angoissants,
Portant la sainte terreur chez les habitants.

Philippe, pour les hérétiques, décrète
Aux hommes et aux garçons : le feu ou la corde.
Enterrer vives et piétiner : femmes et filles
Alors s’embrasent les feux de la résistance.