vendredi 17 janvier 2014

ATHÉISME ET BESOIN DE RITUALITÉ

ATHÉISME ET BESOIN DE RITUALITÉ

Version française des Dernières Nouvelles de l'UAAR – Union des Athées, Agnostiques et Rationalistes. (16 janvier 2014) :


Le grand sapin





Précepte laïque
Italiens, encore un effort pour devenir laïques !




Dans son édition du 16 janvier 2014, l'UAAR reprend un article de Paul Fidalgo, publié sur son blog Friendly Atheist, intitulé Atheism and the Need for ‘Sacred Spaces’ for Ritual: Are They in Conflict?”
et partant de là, s'interroge à son tour sur le besoin de rites chez les athées. On verra la traduction de cet article de l'UAAR ci-dessous. Mais avant, il importe de poser la question en termes rationnels afin de neutraliser certaines dérives « étazuniennes », qui pour noyer le poisson et assurer le consensualisme sociétal (alias le politiquement correct), de rigueur dans la bonne société d'outre-Atlantique, lancent l'anathème contre le « nouvel athéisme » et contre les « athées ultra-orthodoxes », c'est-à-dire en clair, contre les athées tout court. Le but essentiel étant de les disqualifier par avance ; en somme, de les excommunier. Pour un peu, on en viendrait à traiter les athées athées – je veux dire réellement athées – d'hérétiques. Bref, on voit poindre ici une guerre de religions entre « athées », une croisade contre les « athées » plus ou moins orthodoxes, plus ou moins labellisés. À quand les bûchers ? À quand l'Inquisition ?
Comme on le verra, tout ça au nom de l' « esthétique » ? On croit rêver...

Alors, un moment de réflexion.
Il y a une confusion dans les idées qui tend à assimiler athéisme et laïcité.
Et ce brouillard, comme tous les brouillards qui se respectent, perturbe assez la vision et dès lors, favorise une sorte de magma où les lignes et les pensées se perdent.
En premier lieu, il faudrait comparer ce qui est comparable : non pas l'athéisme à la laïcité – qui sont des concepts qui se situent sur des plans différents. L'athéisme renvoie à une conception philosophique et la laïcité à un comportement social en même temps qu'au groupe et aux institutions qui s'en réclament.
Il faudrait donc mettre face à face : la laïcité et l'athéité. Deux entités comparables, mais véritablement distinctes.
Par ailleurs, ces deux mondes particuliers ne couvrent pas l’ensemble des « mécréants » ; il est une catégorie ignorée et pourtant centrale et essentielle au mécréantisme, c'est cette bande qui a comme principe et comme pratique le refus non seulement de Dieu, non seulement de l'appartenance ou du ralliement à une religion, mais bien le refus de toute forme de religion, fût-elle athée. Mécréantisme qui implique non seulement le refus de toute croyance dogmatique, de toute croyance spirituelle, mais aussi de toute croyance tout court. Cette attitude de vie entraîne également le refus de toute organisation structurée fondée sur la reliance (religio), elle-même fondée sur un substrat commun et des obédiences communes. Bref, le refus de toute religion entraîne le refus de toute forme d'église, même laïque. Dès lors, pour en venir aux rites (précisons que nous ne sommes pas contre la fête...), on découvre ceci : tout rituel, ayant, c'est sa nature, pour fonction d'engager et d'assurer l'avenir, d'affirmer et de garantir la soumission, est, par essence, une forme de sortilège ou de superstition et repose sur une croyance (peu importe laquelle); il l'institue. Pour le mécréant, le refus de tout rituel est évidemment cardinal – il s'impose.

Conclusion provisoire : Comme on peut être à la fois athée, laïque et religieux, je ne sais donc pas si l'athéïté, la laïcité ont besoin de rites... Mais ce que je sais, c'est que le mécréantisme au sens strict, dans son acception la plus profonde, qui est lui-même a minima athée ou indifférent à l'existence de dieux, et laïque, ce mécréantisme y est franchement opposé et estime que l'indépendance, la dignité et la liberté humaine passent par la disparition des religions.




Athéïsme et besoin de ritualité.
(texte traduit de l'UAAR)

Suzanne Moore a écrit dans le Guardian à propos du processus mental qui l'a poussée à réaliser une sorte de cérémonie pour la naissance de son troisième enfant (congratulations, au passage !). En faisant cela, elle a découvert que son désir pour une forme de rituel qui célébrait l'événement entrait en conflit avec son désir d'être une « bonne athée ».

Voilà comme elle-même explique le problème : elle craint que le « nouvel athéisme », quelle que soit l'interprétation du terme, puisse « se fixer sur l'éthique en ignorant l'esthétique » et que « l'athéisme ultraorthodoxe commence à ressembler lui-même à une foi rigide et patriarcale ».

Personnellement l'idée-même d'un « athéisme ultraorthodoxe » me dérange beaucoup, et j'imagine que beaucoup parmi vous avez la même réaction, principalement parce que comme concept, il n'a presque pas lieu d'être (comment pourrait-il ?). Mais Moore présente des raisons solides pour réserver un espace assimilable au « sacré » pour marquer les événements importants de la vie.

Nous avons la nécessité de créer un espace hors de la vie quotidienne dans ce but. Nous pouvons l'appeler espace sacré, si nous voulons, mais la délimitation d'espaces ou les instants spéciaux n'est pas exclusivement une prérogative des religieux. Nous pouvons vivre sans Dieu. Nous pouvons considérer sans fondement et inconsistante la pensée new age qu'il rend emphatique la « nature » et l'« esprit », mais considérer stupide le besoin humain d'exprimer transcendance et partage avec d'autres est à son tour stupide.

J'ai vu des cérémonies unitariennes pour nouveaux-nés (et même moins « nouveaux »), dépourvues de lourds traits religieux, et je les ai trouvées pleines de signification ; une manière tendre de donner le bienvenu à un nouvel être humain de la part d'une communauté de personnes bienveillantes. Elles n'offensaient pas mon athéisme.

Ceci est cependant un motif de cassure entre les mécréants, portant sur le fait que les cérémonies puissent trouver place à l'intérieur de notre mouvement, de notre communauté. Certains croient fermement que oui : vu par exemple le succès des « Sunday Assembly » (Assemblées du dimanche) et le travail des Harvard Humanists [à l'université de Harvard il y a un chapelain humaniste]. D'autres repoussent tout type de « congrégationnalisme », comme par exemple Tom Flynn, un de mes chefs au Center For Inquiry (CFI). Les raisons peuvent être de caractère générationnel ou bien personnel.

Pour cette raison CFI de Los Angeles, a organisé le 5 janvier une conférence sur la ritualité, pas pour la naissance mais à l'opposé, pour le départ. Dans cette rencontre, Caitlin Doughty a parlé des rituels de fin de vie destinés aux personnes laïques. En tout cas, qu'on parle de mort, de naissance, de mariage ou de rencontres dominicales, nous cherchons tous à comprendre si et comment insérer des rituels et des cérémonies dans la vie des athées.

La rédaction
Même l'Uaar organise, pour qui le désire (et seulement pour qui le désire), des cérémonies laïques-humanistes.


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