mercredi 25 novembre 2015

Brave Margot

Brave Margot

Chanson française – Brave Margot – Georges Brassens – 1952
Paroles et Musique: Georges Brassens – 1952





Patachou, première interprète "Brave Margot" de Georges Brassens. Séquence extraite du film de Jean Boyer, "Femmes de Paris". (1953) : https://www.youtube.com/watch?v=aciD81iRRlU
Version clandestine de Georges Brassens (lui-même) :1954 http://www.dailymotion.com/video/x9yudh_georges-brassens-brave-margot_music
Version jazz : Sidney Bechet : https://www.youtube.com/watch?v=jc6xmQRcTXA
Une italienne : Nanni Svampa « La Contadinella » : https://www.youtube.com/watch?v=jem_m1EAvtI



Elle entrouvre sa collerette
Et le couche contre son sein ;
C’était tout ce qu’elle avait pauvrette
Comme coussin.

Vierge allaitant l'enfant, 1515
Lucas Müller CRANACH





Mon ami Lucien l’âne, il te souviendra que l’autre jour, j’ai inséré ici-même une chanson de ma composition consacrée à Carlo Levi, confiné politique à Aliano en Lucanie et intitulée : Au-delà d’Eboli.
À cette occasion, je t’avais indiqué qu’il s’agissait d’une parodie d’une chanson de Georges Brassens, de Tonton Georges, chanson connue de tous les enfants de France et de Navarre (ou presque) et sans doute bien au-delà, vu qu’il doit bien en exister des versions italienne(s), espagnole(s) et même dans d’autres langues.  


Je me souviens parfaitement de la circonstance et je peux même donner le titre de la chanson qui est « Brave Margot ». Une très jolie chanson… Qui soit dit en passant a dû résonner souvent aux oreilles de la chanteuse italienne homonyme, in arte "Margot", Margherita Galante Garrone, fille de Carlo Galante Garrone, proche de Carlo Levi depuis les débuts de la lutte antifasciste.


En effet, j’imagine que les amis des Cantacronache ont dû lui faire entendre bien des fois cette canzone ; c’étaient des gens plein d’humour ; il suffit de voir l’hymne national qu’ils ont concocté pour les « fratelli d’Italia » … Enfin, je n’y étais pas. Cependant, c’est une très jolie canzone et c’est aussi bien autre chose. C’est une chanson qui, l’air de rien, dénonce la violence faite aux femmes. On va lui tuer son chat à cette jeune bergère parce que les mégères ne supportent pas qu’elle recueille le petit animal contre son sein et que leurs hommes la regarde allaiter. A-t-on idée de pareille barbarie ? On comprend tout de suite que le chat n’est qu’un symbole et qu’en réalité, si on les laissait faire, elles la lapideraient cette jolie fille. J’ai même connaissance de gens qui veulent interdire aux mères d’allaiter en public.


Si ça les dérange, rien ne les empêche de regarder ailleurs ou de fermer les yeux. La pudibonderie est un prétexte pour écraser la beauté qui dérange, pour imposer les interdits religieux ou les obligations religieuses, interdire ou obliger : c’est du pareil au même. Il s’agit de voiler la beauté… Elle pourrait rendre les gens heureux. De André l’avait bien compris qui avait écrit Bouche de Rose (Bocca di Rosa), sorte de variation sur le thème de Margot. C’est aussi une chanson qui dénonce la violence assassine contre les animaux. C’est une chanson qui dénonce le lynchage, le comportement de meute, l’institution de la victime expiatoire, l’enfermement des femmes… Bref, une chanson libertaire, anti-autoritaire et antireligieuse.


Tu as raison, Marco Valdo M.I. mon ami, ces femmes sont folles et méchantes et nous n’avions pas pour rien inséré ici « La Déclaration Universelle des droits de l’âne », dont la première interprétation chantée est la version polonaise de et par Krzysiek Wrona. Qu’il en soit ici remercié et couvert de fleurs de la tête aux pieds. D’ailleurs, Georges Brassens n’en pensait pas moins que ces femmes fussent méchantes de s’en prendre à un chat, lui qui disait dans une autre chanson :
«  Mais que jamais — mort de mon âme,
Jamais, il ne fouette mes chats.

S´il fouette mes chats, il y a un fantôme
Qui viendra le persécuter. »
Et il avait raison, ces femmes mériteraient que le fantôme du lac ou le fantôme de l’oncle Gaétan les poursuive toutes les nuits de leur triste vie.


A-t-on idée de s’en prendre à un chat pour une raison aussi futile et stupide que la jalousie ? Le mieux qu’elles auraient eu à faire eût été de réagir comme Mimie, l’amie de mon ami Fernand…


Et qu’est-ce qu’elle a fait Mimie, l’amie de ton ami Fernand ?, demande Lucien l’âne passablement éberlué.


Eh bien, figure-toi que Mimie laissait Fernand zyeuter tout ce qu’il pouvait (et il pouvait beaucoup) et même des bien plus jeunes qu’elle ; tant qu’il voulait qu’il pouvait zyeuter le Fernand et la Mimie le regardait zyeuter en disant : « Tout ça, c’est de l’avance à l’allumage », comprenez : « Ça stimule Fernand et c’est moi qui en profite, finalement. »


Une femme sage, cette Mimie, l’amie de ton ami Fernand. J’espère que Fernand l’était autant. Enfin, écoutons cette chanson et reprenons notre tâche et tissons le linceul de ce vieux monde voyeur, stupide, brutal, lapideur et cacochyme.


Heureusement !


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.






Margoton la jeune bergère
Trouvant dans l’herbe un petit chat,
Qui venait de perdre sa mère,
L’adopta.
Elle entrouvre sa collerette
Et le couche contre son sein ;
C’était tout ce qu’elle avait pauvrette
Comme coussin.
Le chat la prenant pour sa mère
Se mit à téter tout de go ;
Émue, Margot le laissa faire,
Brave Margot.
Un croquant passant à la ronde
Trouvant le tableau peu commun,
S’en alla le dire à tout le monde
Et le lendemain.

Quand Margot dégrafait son corsage
Pour donner la gougoutte à son chat,
Tous les gars, tous les gars du village
Étaient là, la la la la la la
Étaient là, la la la la la la la
Et Margot, qui était simple et très sage,
Présumait que c’était pour voir son chat
Que tous les gars, tous les gars du village
Étaient là, la la la la la la
Étaient là, la la la la la la la

Le maître d’école et ses potaches,
Le maire, le bedeau, le bougnat
Négligeaient carrément leur tâche
Pour voir ça.
Le facteur d’ordinaire si preste
Pour voir ça, ne distribuait plus
Les lettres que personne au reste
N’aurait lues.
Pour voir ça, Dieu leur pardonne,
Les enfants de chœur au milieu
Du Saint Sacrifice abandonnent
Le saint lieu.
Les gendarmes, même les gendarmes,
Qui sont par nature si ballots
Se laissaient toucher par les charmes
Du joli tableau.

Quand Margot dégrafait son corsage
Pour donner la gougoutte à son chat,
Tous les gars, tous les gars du village
Étaient là, la la la la la la
Étaient là, la la la la la la la
Et Margot, qui était simple et très sage,
Présumait que c’était pour voir son chat
Que tous les gars, tous les gars du village
Étaient là, la la la la la la
Étaient là, la la la la la la la

Mais les autres femmes de la commune,
Privées de leurs époux, de leurs galants,
Accumulèrent la rancune
Patiemment.
Puis un jour, ivres de colère,
Elles s’armèrent de bâtons
Et farouches, elles immolèrent
Le chaton.
La bergère après bien des larmes
Pour se consoler prit un mari
Et ne dévoila plus ses charmes
Que pour lui.
Le temps passa sur les mémoires,
On oublia l’événement.
Seuls des vieux racontent encore
À leurs petits enfants.

Quand Margot dégrafait son corsage
Pour donner la gougoutte à son chat,
Tous les gars, tous les gars du village
Étaient là, la la la la la la
Étaient là, la la la la la la la
Et Margot, qui était simple et très sage,
Présumait que c’était pour voir son chat
Que tous les gars, tous les gars du village
Étaient là, la la la la la la
Étaient là, la la la la la la la

Au-delà d’Eboli

Au-delà d’Eboli


Chanson française – Au-delà d’Eboli – Marco Valdo M.I. – 2015



« Tout simplement ceci, Lucien l’âne mon ami, que dès que les paysans, les contadini, les braccianti et les somari surent que Carlo Levi était médecin, ils vinrent requérir son aide pour sauver un des leurs qui était mourant, pour soigner leurs femmes et leurs enfants... Dottore, dottore... Et Levi, bien malgré lui, se mit à soigner, se mit à faire le docteur. Mais les autres docteurs de la commune privés de leurs malades, de leurs patients, accumulèrent la rancune rapidement, puis un jour, ivres de colère, ils s’armèrent de leurs relations et par le préfet fasciste firent interdire à Carlo Levi d’encore soigner la population. Faut dire, faut dire qu’il soignait gratuitement... Et voilà, le voilà le lien avec la chanson de De André. Soigner gratuitement ses « frères humains... ». La médecine tarifée n’aime pas ça et la société établie non plus, d’ailleurs. »

texte tiré du commentaire à Un Médecin chanson de Fabrizio De André.





Autoportrait 1935

Carlo Levi au temps de la chanson





Au-delà d’Eboli, que peut-on bien trouver au-delà d’Eboli? Et puis pourquoi irait-on au-delà d’Eboli ? D’aucuns affirment qu’il n’y a rien que des hommes et des collines argileuses. Mais quand même, qui peut bien avoir ’idée d’une chanson sur l’Au-delà d’Eboli ? Pour quelle raison ?, dit Lucien l’âne d’un ton un peu inquiet et comme troublé.


Eh bien, Lucien l’âne mon ami, quoique je sache fort bien que tu connais la réponse à tes questions, car sur ce sujet et bien d’autres, tu en sais autant que moi, je vais te répondre. En premier lieu, il s’avère nécessaire de rappeler le titre du roman qu’écrivit Carlo Levi à propos de son séjour en confinement vers 1935 en Lucanie où il avait été envoyé par le régime fasciste qui sanctionnait ainsi ses opposants politiques. C’était une mesure d’éloignement et comme l’Italie est longue, on les envoyait à l’autre bout – et donc au Sud dans le cas de Carlo Levi.


En effet, Aliano, c’est le lieu où il fut confiné, vu de Turin, c’est fort loin. Surtout à l’époque où les trains étaient des tortillards, connaissaient des retards considérables et n’allaient pas au-delà d’Eboli non plus.


où il relatait son séjour à Aliano parmi les paysans pauvres de Lucanie. Ces paysans qui lui ont transmis cette réflexion sur eux-mêmes, qui depuis est devenue notre sentence : « Noï, non siamo cristiani, siamo somari » - Nous, nous ne sommes pas des chrétiens, nous sommes des bêtes de somme, c’est-à-dire des ânes.


Oui, je me souviens très bien de ce roman, fondateur d’une anthropologie du Sud, de notre sentence (qui me réjouit tant), mais aussi du séjour de Carlo Levi à Aliano, car en ce temps-là, j’y étais aussi comme un âne de passage. J’y suis resté un petit temps et j’ai même porté des paysans malades chez le Docteur Levi.


Tu n’ignores sans doute pas que le titre du roman signifie non pas que le « Christ » s’est rendu à Eboli et y a logé…


Ça se saurait, dit Lucien l’âne en riant ; ils en feraient toute une histoire, des pèlerinages, des commémorations, des cartes postales.


Mais cela signifie ceci que la pénétration culturelle et sociétale de l’Église catholique et de l’État, qui la suit comme son ombre, s’est arrêtée à Eboli. Dans les zones de collines argileuses, blanches, quasiment arides, impraticables, presque désertiques, extrêmement pauvres, la civilisation chrétienne et étatique n’a pas cru bon de pénétrer, en raison des résistances paysannes, et en conséquence, les « terroni » (en français : culs terreux) n’ont pas été évangélisés autrement que superficiellement, n’ont pas été vraiment christianisés et ont gardé entière leur civilisation antérieure à l’arrivée des colonisateurs chrétiens. C’est la civilisation incarnée par la sorcière (la femme forte, consolatrice, conseillère, détentrice des secrets de la guérison, des connaissances relatives à la médecine, aux plantes…) à laquelle on a tenté de substituer (depuis des siècles) la Vierge Marie.


Sans d’ailleurs vraiment y parvenir ; je dirais même que c’est l’inverse qui se produit quand dans le culte marial, c’est la sorcière et ses précieuses qualités que l’on chérit. Voilà pour le titre, mais la chanson, Marco Valdo M.I. mon ami, que raconte-t-elle ?


En fait, elle reprend la trame fondamentale du roman qui est la présence de Carlo Levi, ce citadin du Nord, médecin de formation et peintre de dilection, au cœur de la société des somari. À Aliano, il va être logé chez celle qui est connue comme la « sorcière » de cette communauté paysanne pauvre et Levi va ainsi être amené à user de son art de médecin.


On dirait une histoire tout droit venue du Chiapas de Traven, dit Lucien l’âne avec un rayon malicieux dans le regard.


Ce n’est pas faux, le monde des paysans pauvres est le même dans le monde entier. Donc, Carlo Levi qui en confinement n’a pas grand-chose à faire, hors sa peinture , va aider ces gens, il va les conseiller sur le plan sanitaire, il va les soigner gracieusement et même en guérir certains. Mais il ne peut rien contre la malaria, la tuberculose, la faim et la pauvreté qui les engendre. Cependant, le peu qu’il pourra faire dépassera de loin (trop loin?) ce que les médecins faisaient traditionnellement pour les braccianti (en français : on pourrait dire « bras nus », comme disait Jules Michelet et à sa suite, Daniel Guérin, parlant des pauvres de la Révolution Française, morte en 1795). Bref, ce « soigneur des pauvres » est un gêneur et les médecins installés vont agir pour récupérer leur clientèle… Mais la chanson explique bien tout ça. Puis, un jour, à la proclamation de l’Impero fasciste, les prisonniers politiques du régime sont libérés et Carlo Levi s’en retourne dans le Nord. Cependant…

Cependant quoi ? Il y a autre chose à ajouter à propos de cette canzone ?


Oui, car elle a été construite à partir du petit texte cité en introduction et de la chanson de Georges Brassens qui s’intitule Brave Margot et que tous les enfants connaissent si bien. Chansons qu’il faudra mettre dans les Chansons contre la Guerre. Comme tu l’imagines, il s’agit d’une parodie ; on aurait d’ailleurs pu lui donner pour titre : « Brave Carlo ».


J’aime quand tu fais des parodies, tu ne les réussis pas si mal et puis, c’est souvent l’occasion de retrouver la chanson parodiée. Mais si tu veux bien, on parlera de Margot une autre fois ; en attendant, reprenons notre tâche et tissons le linceul de ce vieux monde si hostiles aux sorcières, si méprisant des somari, si dénué de générosité et cacochyme.



Heureusement !



Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane




Le docteur Levi, avant la guerre,
Confiné là-bas en Lucanie,
Tout au fin fond de l’Italie,
Vivait dans la maison de la sorcière,
Une simple maisonnette
Située au bord du ravin.
Il pensait sa profession secrète
Lui qui arrivait de Turin.
Mais les ânes, les somari, les paysans
On ne sait vraiment trop comment
Avaient immédiatement su
Qu’il était docteur et sont venus
Requérir son aide pour soigner
Un des leurs agonisant.
Le docteur Levi désespéré
Put à peine soulager le mourant.


Quand Carlo vivait près des nuages
Au-delà d’Eboli tout là-bas
Tous les gens, tous les gens du village
Venaient là, la la la la la la
Venaient là, la la la la la la la
Et Carlo, qui avait compris le message,
Savait qu’ils attendaient tous qu’il soigna
Gracieusement tous les gens du village
Qui venaient là, la la la la la la
Qui venaient là, la la la la la la la

Le maître d’école et ses élèves,
Les mères, les veuves, le podestat,
À la moindre montée de fièvre,
Sans attendre, couraient jusque là.
Le facteur en portant ses lettres
Chez le docteur, restait un peu plus
Que pour le service de la poste
Il aurait dû.
Et même, Dieu leur pardonne
Le curé et les enfants de chœur
Vont sans qu’on les sonne
Chez la sorcière, voir le docteur.
Les carabiniers, même les carabiniers
Viennent sans se cacher
Se faire ausculter
Et prendre les conseils de l’exilé.

Quand Carlo vivait près des nuages
Au-delà d’Eboli tout là-bas
Tous les gens, tous les gens du village
Venaient là, la la la la la la
Venaient là, la la la la la la la
Et Carlo, qui était intelligent et sage,
Savait qu’ils attendaient tous qu’il soigna
Gracieusement tous les gens du village
Qui venaient là, la la la la la la
Qui venaient là, la la la la la la la

Les autres médecins, les chers confrères,
Privés de leurs malades, de leurs patients
Accumulèrent
La rancune patiemment
Puis un jour, furieux, en colère,
Ils firent jouer leurs relations
Et par le préfet lui interdire
D’exercer sa profession.
Relégué là, sans armes.
Gardant son calme, Levi
Distribuait remèdes et charmes
Par la sorcière et ses amis.
La création de l’Empire arriva
On le libéra du confinement.
Et longtemps après, Levi raconta
Cette histoire dans un roman.


Quand Carlo vivait près des nuages
Au-delà d’Eboli tout là-bas
Tous les gens, tous les gens du village
Venaient là, la la la la la la
Venaient là, la la la la la la la
Et Carlo, qui était intelligent et sage,
Savait qu’ils attendaient tous qu’il soigna
Gracieusement tous les gens du village
Qui venaient là, la la la la la la
Qui venaient là, la la la la la la la

lundi 23 novembre 2015

La Queue du Chat


La Queue du Chat

Chanson française – La Queue du Chat – Les Frères Jacques – 1956
Paroles et musique : Robert Marcy – 1948


Les agités du vocal à la Nuit des musées à Agde (14/05/2010) : https://www.youtube.com/watch?gl=BE&v=XEi1bsc95CY






Première du journal Le Temps, Genève, 15/11/23




Bruxelles qui est, entre autres choses, la ville qui nous a vu naître, était ces jours-ci, disent les autorités et les médias, en état de siège et quasiment paralysée par l’effroi qui venait de s’abattre sur elle. Enfin, le temps de saison s’installait avec les pluies et les froids prémonitoires des gels et des neiges de l’hiver prochain. Il était temps pour assurer le refroidissement des brassins de lambic. Une peur impalpable imprégnait jusqu’aux brouillards grisouillards ; il régnait une espèce de terreur indéfinissable, qui troublait l’ordre des choses. Il fallait que quelqu’un réagisse… Les chats, qui sont des animaux terriblement pacifiques et casaniers, d’intenses dormeurs qui n’aiment pas le bruit et qui détestent la bêtise, les chats, dis-je, sont entrés en résistance contre ces tracasseries et ont déclenché une salve nourrie de photos d’humour.


Ah, l’humour, toujours, l’humour !, dit Lucien l’âne en tremblant sur ses quatre pieds d’âne aux sabots plus noirs que l’ennui. Et, Marco Valdo M.I. mon ami, je peux te dire que ce n’est qu’un début et que peu de choses résistent longtemps à l’acide comique.


Tu comprendras dès lors qu’il était plus que temps de rendre un discret hommage à ces aimables et subtils félidés qui se sont toujours moqué des Dieux, qui sont des inventions des hommes et des prophètes, qui en sont les inventeurs.


C’est une excellente raison pour aimer les chats, dit Lucien l’âne admiratif, car ces gens-là m’ont toujours cassé les oreilles et elles sont grandes. Mais, dis-moi, Marco Valdo M.I., j’ai bien entrevu que la chanson parle des chats ou d’un chat, mais peux-tu m’en dire plus ?

Une voix dit : « Miaou, me voilà ! »
Je suis Jésus...



Évidemment. Comme tu pourras le constater, le héros principal de la chanson, le protagoniste est un chat ; n’importe quel chat, comme Jésus qui ronronne ici à côté de moi. L’autre, l’anti-héros, c’est une sorte de Prophète, de devin, un « médium », seul détenteur (la chose va de soi) de la Vérité, lequel pratique avec le plus austère sérieux son religieux office au cours duquel il invoque l’Esprit et l’invite à paraître aux yeux des croyants rassemblés. Comme tu le verras en dépit de l’incroyable crédulité des sectateurs du médium, officiant de cette curieuse messe, le Saint Esprit n’apparaît pas à ses appels rituels et à chaque essai manqué, il rejette la faute sur le chat qui passe à ce moment à proximité et parmi les fidèles. Finalement, le médium, sûr de sa précieuse connaissance du monde de l’Esprit, chasse le chat. Et, « savez-vous ce qui arriva ? », comme dit Voltaire à propos de Fréron, ce fut le chat l’emporta car…


Car… quoi ?, demande Lucien l’âne très haletant.


Car, je te cite la fin de la chanson : « Car l’Esprit s’était caché là
Dans la queue du… dans la queue du… dans la queue du chat. »


Que voilà une belle histoire et je suis très content que tu aies eu l’idée de rendre cet hommage aux chattes, aux chats et aux chatons. Voyons dont toute la chanson et la splendide interprétation des Frères Jacques, puis reprenons, en riant encore, notre tâche qui est de tisser le linceul de ce vieux monde hanté par les Esprits, perclus de Prophètes, ennuyé par les Dieux et cacochyme.



Heureusement !



Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.




Et en vérité, dit Jésus :
"l’Esprit s’était caché là

Dans la queue du... dans la queue du... dans la queue du chat."




Le médium était concentré.
L’assistance était convulsée.
La table, soudain, a remué
Et l’Esprit frappeur a frappé.

Ce n’est que le petit bout de la queue du chat
Qui vous électrise,
Ce n’est que le petit bout de la queue du chat
Qui a fait ce bruit-là.
Non, l’Esprit n’est pas encore là,
Unissons nos fluides
Et recommençons nos ébats
Que le chat gâcha.

Puis un souffle étrange a passé,
Une ombre au mur s’est profilée,
L’assistance s’est mise à trembler
Mais le médium a déclaré ...

Ce n’est que le petit bout de la queue du chat
Qui vous électrise,
Ce n’est que le petit bout de la queue du chat
Qui a fait ce bruit-là.
Non, l’Esprit n’est pas encore là,
Unissons nos fluides
Et recommençons nos ébats
Que le chat gâcha.

Alors en rond, on se remit
Et puis, on attendit l’Esprit,
Quand une dame poussa un cri
En disant : "Je le sens, c’est lui !"

Ce n’est que le petit bout de la queue du chat
Qui vous électrise,
Ce n’est que le petit bout de la queue du chat
Que pensiez-vous là.
Non, l’Esprit n’aurait pas fait ça,
Vous n’avez pas de fluide.
Le médium alors se fâcha
Et chassa le chat.

Une voix dit : « Miaou, me voilà ! »
Quelle drôle de surprise
Car l’Esprit s’était caché là
Dans la queue du... dans la queue du... dans la queue du chat.



samedi 21 novembre 2015

UN BLASPHÉMATEUR


UN BLASPHÉMATEUR

(derrière chaque blasphème, il y a un jardin enchanté)
Version française - UN BLASPHÉMATEUR (derrière chaque blasphème, il y a un jardin enchanté) – Marco Valdo M.I. – 2010
Chanson italienne – Un Blasfemo (dietro ogni blasfemo c’è un giardino incantato) – Fabrizio de André – 1971




Ils me traitèrent d’abord de délinquant
Ils n’avaient pas de loi contre le blasphème.
Plus tard, ils m’internèrent comme insensé.

Voici pour L’Asino, animal athée et blasphémateur, une chanson sur mesure – que j’avais traduite il y a déjà 5 ans. Elle s’intitule Un Blasphémateur, dans la version française et Un Blasfemo en italien. Elle vient de loin : des USA, où le poète Edgar Lee Masters la publia dans son Anthologie de Spoon River vers 1915.
Je l’offre – cette version française de la version italienne de Fabrizio De André, mais aussi de la version anglo-américaine d’Edgard Lee Master, afin de le mettre en garde contre les fous déments, adorateurs de tout et de n’importe quoi, idolâtres ou non de n’importe quel(s) dieu(x), inventé(s) par d’autres maniaques à leur intention. Ces imbéciles pullulent sur cette Terre et sont de parfaits assassins.


Ainsi Parlait Marco Valdo M.I.


Cette chanson du grand Fabrizio De André parle d’un blasphémateur, une personne convaincue que Dieu, s’il existe, non seulement n’est pas bon comme on croit communément, mais, au contraire, il s’est comporté de manière inique et mauvaise contre l’être humain, sa créature : il l’a en fait condamné à vivre dans l’inconscience (« comme un idiot ») en le privant de la connaissance du bien et du mal; s’apercevant ensuite que l’homme avait mangé justement le fruit de l’arbre de la connaissance, préoccupé de ce qu’il avait inventé le Temps (les saisons) et la Mort pour le limiter. Les hommes qui pensaient et soutenaient de telles choses n’avaient pas une vie facile Le blasphémateur meurt en fait sous les coups de deux gardiens – dans l’original de Edgar Lee Masters, il y avait un seul gardien (un infirmier traduit Pivano), mais la substance ne change pas – dans l’asile où il était interné.

Plus jamais je ne m’inclinai, même sur une fleur
Je ne rougis plus à voler l’amour
Dès le moment où l’Hiver me convainquit que Dieu
N’aurait pas rougi de me voler le mien.
Ils m’arrêtèrent un jour à cause des femmes et du vin,
Ils n’avaient pas de loi pour punir un blasphémateur,
Ce n’est pas la Mort qui me tua, mais deux gardiens bigots
M’arrachèrent l’âme à force de coups.

Car je dis que Dieu embrouilla le premier homme,
Le contraint à mener une vie d’idiot,
Dans le jardin enchanté il le contraint à rêver,
à ignorer que dans le monde, il y a le bien, il y a le mal.
Quand il vit que l’homme allongeait la main
Pour lui voler le mystère d’une pomme interdit
Par peur que désormais il n’eut plus de maîtres
Il l’arrêta par la mort, il inventa les saisons.

Et s’il y eut deux gardiens pour lui stopper la vie,
C’est justement ici sur terre, la pomme interdite,
Quelqu’un ici pour nous l’a inventée, et pas Dieu
Elle nous contraint à songer à un jardin enchanté,
Elle nous contraint à songer à un jardin enchanté.




WENDELL P. BLOYD
Poème de Edgar Lee Masters -
1915

Version française - WENDELL P. BLOYD – Marco Valdo M.I. – 2010


Ils me traitèrent d’abord de délinquant
Ils n’avaient pas de loi contre le blasphème.
Plus tard, ils m’internèrent comme insensé.
Là, je fus battu à mort par un gardien catholique
Mon crime était le suivant :
Je disais que Dieu mentait à Adam et le destina
À une vie de fou.
En ignorant que le mal était dans le monde autant que le bien.
Et quand Adam couillonna Dieu en mangeant la pomme
Et vit clair dans son mensonge,
Dieu le vira de l’Éden pour l’empêcher de cueillir
le fruit de l’immortalité.
Par le Christ, gens sensibles,
Voici ce que dit Dieu lui-même à ce propos dans le livre de la Genèse :
« Et le Seigneur Dieu dit ; voyez l’homme
Est devenu un d’entre nous. » (Un peu d’envie, voyez-vous)
« Pour connaître le bien et le mal » (le mensonge du « Tout le monde il est bon » exposé au jour)
« Et maintenant de peur qu’il avance sa main et prenne
Aussi le fruit de l’arbre de la vie et mange et vive pour toujours.
Voilà pourquoi le Seigneur Dieu le chassa du jardin d’Éden »
(la raison pour laquelle Dieu crucifia Son Propre Fils
Est je crois de rejeter ce maudit pastis, car il Lui ressemble trop.)