mercredi 28 octobre 2015

Till, le roi Philippe et l'âne

Till, le roi Philippe et l'âne

Chanson française – Till, le roi Philippe et l'âne – Marco Valdo M.I. – 2015

Ulenspiegel le Gueux – 9


Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).




Till sur son âne, toute la ville, traversa 

Nous voici, Lucien l’âne mon ami, à la neuvième canzone de l’histoire de Till le Gueux. Les huit premières étaient, je te le rappelle :


01 Katheline la bonne sorcière [[50627]] (Ulenspiegel – I, I)
02 Till et Philippe [[50640]](Ulenspiegel – (Ulenspiegel – I, V)
03. La Guenon Hérétique [[50656]](Ulenspiegel – I, XXII)
04. Gand, la Dame [[50666]](Ulenspiegel – I, XXVIII)
05. Coupez les pieds ! [[50687]](Ulenspiegel – I, XXX)
06. Exil de Till [[50704]](Ulenspiegel – I, XXXII)
07. En ce temps-là, Till [[50772]](Ulenspiegel – I, XXXIV)
08. Katheline suppliciée [[50801]](Ulenspiegel – I, XXXVIII)
Je profite de l'occasion pour faire remarquer cette numérotation particulière que je viens d'introduire : (Ulenspiegel – I, I), laquelle signifie très exactement ceci :
Ulenspiegel : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs, dans le texte de l'édition de 1867.
Le premier chiffre romain correspond au numéro du Livre – le roman comporte 5 livres et le deuxième chiffre romain renvoie au chapitre d'où a été tirée la chanson. Ainsi, on peut – si le cœur vous en dit – retrouver le texte originel et plein de détails qui ne figurent pas ici.


C'est une fort bonne idée, dit Lucien l'âne. Je me demandais d'ailleurs comment savoir où trouver tous ces renseignements… Pour le reste que dit la chanson…


Comme tu t'en souviens certainement, Till et Philippe – il s'agit du roi Philippe – ont un rôle capital et antagoniste dans le récit imaginé par Charles De Coster, il y a près de 150 ans, déjà. Ils sont les deux pôles qui vont orienter toute cette histoire, elle-même assez complexe, tant elle entremêle de récits, de personnages et d'événements divers. On peut la lire de mille façons, sans doute. Mais ici, dans Ulenspiegel le Gueux, il s'agit essentiellement de l'affrontement entre le pouvoir et la liberté ; il est question aussi du véritable combat que mène l'Église contre la libre-pensée. Quant à Till et Philippe, ils seront cette fois encore les acteurs principaux. J'ai dit « cette fois encore », car il t'en souviendra, la première fois qu'on les mit en présence ici, c'était pour leurs naissances respectives et la chanson s'intitulait : « Till et Philippe ». Revoici donc une nouvelle rencontre, mais elle est bien différente, car Till et Philippe vont se voir et même, se parler.


Si c'est bien la rencontre à laquelle je pense, je crois bien que c'était à Anvers et figure-toi, que j'étais moi-même présent et bien placé pour en connaître.


Je me disais justement que ce devait être toi, cet âne qui accompagnait Till dans ses déambulations anversoises. Je pensais en écrivant cette chanson que cette entrée de Till à Anvers sur le dos d'un âne semblait avoir inspiré le peintre ostendais James Ensor pour son Entrée du Christ à Bruxelles, scène elle-même manifestement aussi liée à l'Entrée du Christ à Jérusalem, toujours sur le dos d'un âne.


J'y étais, j'y étais… Dans tous les cas, on ne saurait nier l'importance de l'âne en cette folle journée. Personnellement, j'en ai gardé un merveilleux souvenir. On a traversé la ville de part en part et je me vois encore allant rigolard avec Till sur mon dos et le valet qui court à mes côtés, tenant la bride. Et puis, ce qui s'est finalement passé sur la place avec tous ces gens.


Écoute, Lucien l'âne mon ami, laisse-moi quelques instants pour recadrer cette scène d'anthologie et en exposer les tenants et les aboutissants. Au début, on a donc, d'un côté, Till qui joue au fou à Bois-le-Duc, d'où sa réputation l'avait précédé jusqu'à Anvers, d'où on envoya le chercher. D'autre part, on a Philippe – entretemps, marié à la Reine d'Angleterre est devenu roi consort, sans aucun pouvoir personnel, ne « régnant » que par l'entremise de sa femme. Un fait difficile à accepter pour un Très Grand d'Espagne… Il s'en est d'ailleurs plaint à son père Charles Quint et ce dernier lui a promis qu'il se retirera bientôt et lui cédera sa place. En attendant, Philippe fait le tour de ses futures possessions. Il est reçu en grande pompe partout et partout, il promet ce qu'on voudra et qu'il en tiendra pas. Son entrée à Anvers condense donc toute cette équipée. Mais à Anvers, c'est le sens de la chanson, Till va lui montrer en même temps qu'au peuple assemblé combien leur jeu de dupes est ridicule et fonctionnez sur une immense crédulité (du peuple) et sur une immense hypocrisie (du futur roi). Et la chanson raconte fort bien tout ça…


Alors, passons à la chanson et puis, reprenons notre tâche et tissons le linceul de ce vieux monde prometteur de beaux jours, d'avenirs radieux, de paradis futurs, crédule, croyant et cacochyme.



Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



« Pèlerin pèlerinant ne peut follier de séjour
Seulement par auberges et chemins »
Être fou, je veux bien, mais sans aucun détour
Car pluie ou soleil, chez moi, me ramène mon destin.

Philippe, triste roi consort d'Angleterre,
S'en vînt visiter son prochain héritage :
Hainaut, Brabant, hollande, Zélande et Flandres.
Il vivait à ce moment en son plus bel âge.

Froid était son royal visage
Roide était sa tête louche
Étroit son torse et torses ses jambes
Roide son parler pâteux de laine en bouche

Partout ce ne fut que festoiement
Partout il jura de maintenir les libertés civiles
Mais on vit bien à Bruxelles son faux serment
Sa main se croqua soudain sur l'évangile.

À Anvers, pour un triomphe et force fêtes,
On dépensa tant et plus et plus encore.
Pour le roi, on fit carnavals et cortèges.
Rien n'y fit, Philippe tirait une tête de mort.

La ville fit quérir un fol à Bois-le-Duc.
Connais-tu un tour pour faire rire Philippe le roi ?
Heer Markgrave, j'en tiens plus d'un trempé dans le suc.
Que comptes-tu faire ? Voler en l'air, une fois.

Par les rues, les places, les carrefours, on clama
Sonnant clairons, battant tambours, à haute voix
Aux signorkinnes, aux signorkes, on annonça
Le fol Ulenspiegel sur la place volera.

Till sur son âne, toute la ville, traversa
En robe cramoisie donnée par la commune.
Till et son âne, ornés de grelots et de soie,
Saluèrent bien bas le roi sur son estrade.

Till sur le toit, corneille sur la corniche,
Battait l'air de ses bras, mais il ne volait pas.
Là, il déclara à la foule et au roi :
Je me croyais seul fou, la ville en est pleine.

vendredi 23 octobre 2015

ET NOUS, QUE FAISONS-NOUS ?

ET NOUS, QUE FAISONS-NOUS ?


Version française – ET NOUS, QUE FAISONS-NOUS ? – Marco Valdo M.I. – 2015
Chanson italienne – Noi che facciamo? – Rocco Scotellaro – 1946

Poème de Rocco Scotellaro, publié en avril 1949 d’abord sur le « New York Times Magazine » et puis, sur l’« Avanti ».
Ensuite dans le recueil intitulé « È fatto giorno. 1940-1953 », publié en 1954, l’année qui suit la mort du poète. 
Mis en musique par le groupe Têtes de Bois dans leur disque intitulé « Avanti Pop » de 2007, le morceau s'intitule « Rocco et ses frères ». Malheureusement je n'en ai pas trouvé le texte ... mais le morceau bénéficie de la partecipation d’ « Il Coro dei Lucani » (Choeur des Lucains), constitué de Rocco De Rosa, Rocco Papaleo, Canio Loguercio, Ulderico Pesce et de Claudio Santamaria.






Et nous, que faisons-nous ?








Comment dire, Lucien l’âne mon ami, combien Rocco Scotellaro est important à mes yeux et combien il est important pour la poésie, mais pas seulement… On peut y ajouter la chanson et aussi, le monde « au-delà d’Eboli », ce monde qui préexistait à l’influence du monde urbain (venu de l’Urbs) et de sa civilisation christiano-étatique. Car la voix de Rocco vient de là et c’était une voix qui prenait la parole contre l’immobilisme des territoires de Lucanie. Ceci m'impose une petite citation de Carlo Levi, qui de retour à Aliano – après la guerre découvre le nouveau monde se substituant à l’ancien : « … mi vienne incontro tutto il nuovo che andava nascendo in quella realtà, una storia chi cresceva come le persone o le piante che non contradicono, per le nuove foglie, la loro natura.
Questo nuovo ebbe per me un aspetto e un nome : il piccolo biondo e lentigginoso di unragazzo, che aveva in sé la qualità per essere, e lo fu, un gran poeta, il poeta della libertà contadina : Rocco Scotellaro ». Insiem a lui, una generazione di giovani, e un popolo intero che prendeva, nell’azione quotidiana, conscienza di esistere. » (Carlo Levi, Ritorno in Lucania in Le Tracce della memoria, Donzelli, Roma, 2002. pp. 127-128) et en français (le mien) : « … vînt à ma rencontre tout le nouveau qui naissait dans ce réel, une histoire qui croissait comme les personnes ou les plantes qui ne contredisent pas, par leurs nouvelles feuilles, leur propre nature.
Ce nouveau eut pour moi un aspect et un nom : le petit visage blond et parsemé d’éphélides d’un jeune homme, qui avait en lui la qualité pour être, et il le fut, un grand poète, le poète de la liberté paysanne : Rocco Scotellaro. Avec lui, une génération de jeunes, et un peuple entier qui prenait, dans l’action quotidienne, conscience d’exister. »

Tu imagines bien, Marco Valdo M.I. mon ami, que ce monde-là, je l’ai parcouru longuement et que je le connais bien. c’est mon monde, mais aussi celui de Till, de Sancho, des ânes et des sorcières : toutes figures de mon panthéon.

Ce sont aussi les figures du mien et mutatis mutandis, de celui de Rocco Scotellaro et de Carlo Levi, car on ne peut séparer ces deux amis et ces deux complices dans la défense des pauvres « somari » de Lucanie et d’ailleurs. Maintenant, je voudrais un peu parler de Rocco pour ceux qui ne le connaissent pas. De Rocco, mais pas seulement, comme tu vas le voir. On oublie un peu vite dans notre univers d’amplification électronique et de voix digitales, que le poète – en l’occurrence : Rocco Scotellaro – est véritablement la voix humaine, la voix des humains, la voix porteuse de la pensée, de l’émotion et du sentiment. Ainsi en allait déjà l’aède Homère, ainsi en a-t-il été de Rocco et son aura précède de beaucoup sa fin tragique. Rocco Scotellaro vient d’un monde analphabète, de ce monde des sans-voix, des perpétuels écrasés, des sempiternels méprisés… de ces « braccianti » (ces « bras ») que les sergents recruteurs des maîtres (des « padroni ») louaient à bon prix sur les places de village ; un peu comme à la criée. Pour les mener ensuite aux champs comme un troupeau.

La chose se voit encore aujourd’hui, même en Italie mais parmi les « somari » contemporains, on a mêlé les « sans papiers », les « réfugiés », les « immigrés »… en une sorte d’esclavage précaire. Toutes bêtes de somme et souvent, d’une autre couleur. Mais au fond, c’est pareil.

J’ajouterais volontiers : pas seulement en Italie. Toute l’Europe cherche cette main d’œuvre à bas prix, ces êtres « discount » et elle cherche à justifier pareille vilenie à coups de dispositions réglementaires. Pour en venir à la canzone elle-même, et singulièrement à son titre, il me paraît que cette question : « Et nous, que faisons-nous ? » (« Noi, che facciamo ? ») se pose à chacun tous les jours. Elle est un impératif de vie. Et ce n'est pas une question en l’air. On en voit tout de suite la portée si on la replace, comme le fait Rocco Scotellaro, dans cet affrontement continu qui se trouve au cœur de la Guerre de Cent Mille Ans [[7951]] ; cette guerre que depuis des temps immémoriaux, les riches font aux pauvres pour asseoir leur domination par la peur, pour assurer leurs richesses par la loi du plus fort, pour étendre leurs privilèges par la persuasion et perpétuer l’exploitation qu’ils font des hommes et du monde par la propagande.  

Je ne peux qu’approuver Rocco Scotellaro et son interrogation, même si elle est angoissante, même si elle révèle combien cette condition des pauvres est difficile à renverser. Ce « Que faisons-nous ? » sonne comme un appel urgent à la fin de l’acceptation du monde tel qu’il est et tel qu’on veut le maintenir – tous pouvoirs confondus et tous alliés. Ainsi, il importe que nous reprenions notre tâche et que nous tissions le linceul de ce vieux monde méprisant, dominé, épuisé, morbide et cacochyme.

Heureusement !


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane




Ils nous ont crié la croix protège les maîtresPour tout ce qui arrive et même pour les chutesQui vont glissant sur les argiles.
Et nous, que faisons-nous ?

Muets, nous nous tenons, à l’aube,
Sur les places pour être achetés
Le soir, le retour en files,
Encadrés par des cavaliers.
Ce sont nos camarades, la nuit,
Au bivouac, tous couchés avec les brebis.

Et nous, que faisons-nous ?

Nous ne pouvons pas nous grouper pour chanter,
Ni même nous lire les feuillets imprimés
Où on écrit du bien de nous !
Nous sommes les faibles des années lointaines
Quand les bourgs périrent dans les flammes
Du Château ruiné.
Nous sommes les fils des pères enchaînés.

Et nous, que faisons-nous ?

Nous sommes encore appelés
Frères dans les Églises
Mais vous avez votre chapelle
Personnelle d’où vous nous regardez.
Et cessez de nous toiser
Cessez de nous menacer
Même les troupeaux du corral s'échappent
Pour un brin perdu dans la neige.
Vous sentiriez notre dureté
Le jour où nous viendrons armés
Dans ce même château en ruines.
Même les troupeaux cassent les barrières
À cause de vous qui vous armez de votre rage.
Et nous, que faisons-nous ?

Pendant ce temps, nous chantons la chanson
De votre rédemption.
Car votre pouvoir nous entraîne
À l’abîme, au précipice.
Nous sommes les pauvres
Sages brebis de nos maîtres.

jeudi 22 octobre 2015

LE MUSSOLINI

LE MUSSOLINI

Version française – LE MUSSOLINI – Marco Valdo M.I. – 2015
Chanson allemande – Der Mussolini – D.A.F. (Deutsch-Amerikanische Freundschaft) – 1981


Écrite par Robert Görl e Gabriel "Gabi" Delgado-López Célèbre simple extrait de l’album “Alles ist gut”

Hitolini et Mutler

Connais-tu cette danse qui s’appelle : le Mussolini ? Et cette autre qui se nomme : l’Adolf Hitler ? Ou encore, celle baptisée : le Jésus-Christ ? Mais, Lucien l’âne mon ami, je vois ton œil troublé et je te sens un peu perturbé par le fait que j’ai mis ces danses au masculin. Je te comprends ; cependant, il y a des exemples de danses dont le nom est masculin : le tango ou le rock, par exemple et puis, les personnages auxquelles elles se réfèrent sont masculins eux aussi.

Oui, oui, c’est exact. La Hitler, la Mussolini ou la Jésus-Christ auraient sonné bizarrement aux oreilles et singulièrement, à mes oreilles d’âne si sensibles. Cela dit, je n’ai jamais entendu parler d’elles et a fortiori, je ne les ai jamais dansées. Remarque que j’utilise le féminin pour en parler, mais c’est une nécessité, si on veut les distinguer des personnages dont elles portent le nom. En tous cas, elles me paraissent fort étranges et à propos, comment les danse-t-on ?

À vrai dire, je n’en sais rien non plus. On agite le derrière, on tourne, on s’agenouille, on tape dans les mains… sans doute en suivant une cadence. A-t-on une cavalière ? Ou sont-ce là de ces danses où l’on se trémousse en solo. Peu importe, l’essentiel est ailleurs. Il est dans le texte. Ces danses allemandes décrivent en réalité le fonctionnement de la société dans laquelle elles ont été conçues. Et comme la chanson date d’il y a un tiers de siècle, on pourrait croire qu’elle n’a plus de lien avec le monde présent. Que nenni ! Et elle ne concerne pas seulement son pays d’origine, en raison-même de l’expansion du rêve d’Otto, elle a tendance à s’imposer à l’ensemble des pays englobés dans la Grande Europe, ultime réalisation continentale du Grand Pays, imaginé, rêvé, projeté, espéré et voulu par le Chancelier.

Il y a là matière à réflexion… Même si pour l’instant, une certaine confusion semble vouloir brouiller le paysage. Enfin, nous verrons bien la suite ; mi, je ne suis pas devin. Mais quand même, on devrait faire quelque chose et de ce fait, il me semble qu’il nous faut reprendre notre tâche et tisser le linceul de ce vieux monde dansant, oscillant, balançant et cacochyme.


Heureusement !


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane


Mettez-vous à genouxTapez dans vos mains
Bougez les hanches
Et dansez le Mussolini
Dansez le Mussolini
Dansez le Mussolini

Tournez à droite,
Tapez dans vos mains
Faites l’Adolf Hitler
Dansez l’Adolf Hitler
Dansez l’Adolf Hitler
Dansez l’Adolf Hitler

Et maintenant le Mussolini
Agitez votre derrière
Agitez votre derrière
Tapez dans vos mains
Dansez le Jésus-Christ
Dansez le Jésus-Christ
Dansez le Jésus-Christ

Mettez-vous à genoux
Tournez-vous à droite
Tournez-vous à gauche
Tapez dans vos mains
Dansez l’Adolf Hitler
Dansez le Mussolini
Et maintenant le Jésus-Christ
Et maintenant le Jésus-Christ
Et maintenant le Jésus-Christ

Tapez dans vos mains
Dansez le communisme
Maintenant le Mussolini
Et maintenant à droite
Et maintenant à gauche.
Dansez l’Adolf Hitler
Dansez l’Adolf Hitler
Dansez le Mussolini
Dansez le Mussolini
Dansez le Jésus-Christ
Agitez votre derrière
Balancez vos hanches
Tapez dans les mains
Dansez le Jésus-Christ
Dansez le Jésus-Christ
Et maintenant le Mussolini
Et maintenant l’Adolf Hitler
Donnez-moi la main
Donnez-moi la main


Et dansez le Mussolini
Dansez le communisme
Dansez le communisme
Et maintenant le Mussolini
Et maintenant le Mussolini
Et maintenant l’Adolf Hitler
Et maintenant l’Adolf Hitler
Et maintenant le Jésus-Christ
Et maintenant le Mussolini
Et maintenant le communisme
Et maintenant l’Adolf Hitler
Et maintenant le Mussolini
Et maintenant le Mussolini
Faites le Mussolini
Dansons l’Hitler
Dansons l’Hitler
Et mettez-vous à genoux
Bougez les hanches
Tapez dans les mains
Et dansez le Jésus-Christ…

Katheline suppliciée

Katheline suppliciée

Chanson française – Katheline suppliciée – Marco Valdo M.I. – 2015

Ulenspiegel le Gueux – 8


Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).




Il l’attacha sur le banc de torture.
Il versa l’eau chaude dans l’estomac.



Nous voici, Lucien l’âne mon ami, à la huitième canzone de l’histoire de Till le Gueux. Les sept premières étaient, je te le rappelle :

02 Till et Philippe [[50640]]
03. La Guenon Hérétique [[50656]]
04. Gand, la Dame [[50666]]
05. Coupez les pieds ! [[50687]]
06. Exil de Till [[50704]]
07. En ce temps-là, Till


Je ne l’avais pas oublié… Mais voyons ce que tu as à dire de la huitième…


La huitième raconte l’histoire atroce du supplice de Katheline, la bonne sorcière, celle-même qui mit au monde de ses mains, Till et de son ventre, Nelle. Peut-être, t’es-tu posé la question de savoir pourquoi, parmi ceux qui l’aimaient bien, on l’appelait dans son village, Katheline, la bonne sorcière. Tout simplement, car c’en était une. Une vraie. Non pas qu’elle entretînt des relations diaboliques – tu sais comme moi et comme tout un chacun que c’est une impossibilité du simple fait que ni Diable, ni Dieu n’existent, mais on l’appelait ainsi, car elle soignait les bêtes et les gens par les simples, c’est-à-dire par les plantes – une méthode héritée d’une sagesse ancienne. Je t’ai déjà parlé de la sorcière telle qu’elle était dans les sociétés paysannes et de son rôle tout à fait essentiel de sage-femme, de soigneuse, de guérisseuse, de conseillère et de consolatrice.

Oh, ce n’est pas à moi que tu dois expliquer ce que sont les sorcières, ni pourquoi l’Église, qui entendait prendre leur place, s’est acharnée à vouloir les éliminer par tous les moyens. Elle alla jusqu’à inventer la Vierge et le culte marial…


Donc, comme tu le sais aussi et comme tout un chacun le devine, il existe des gens idiots, bêtes et malveillants, rongés par l’envie et l’avidité et pour qui tous les moyens sont bons pour faire de l’argent. Y compris, comme tu le verras ici, au détriment de leurs voisins ou d’une brave femme.

Oh, j’ai vu souvent cela et j’ai vu beaucoup de gens en souffrir. L’envie est une bête sournoise et méchante, je le sais bien.

Si tu sais cela, tu vas comprendre la suite. Katheline avait soigné les bêtes d’un fermier et celles d’un autre fermier, voisin du premier. Les animaux de l’un furent guéris ; par malheur, une vache du second périt. Et ce dernier accusa Katheline d’avoir tué sa vache par des procédés diaboliques. Évidemment, il n'en était rien, mais le mensonge porta et Katheline fut arrêtée sous l’accusation de sorcellerie, une des pires qui soit.

Je t’interromps, car je veux dire que ce type est une ordure…

En effet. Je continue mon récit. Il faut savoir que dans la justice de l’époque, telle que l’imposait l’Église, il fallait que le coupable avoue son crime. Cela partait d’une bonne intention et d’un bon sentiment ecclésiastique : l’aveu était le premier pas vers la repentance et la repentance mène au pardon et au salut. C’est d’ailleurs encore aujourd’hui le mécanisme fondamental de la confession et de l’absolution qui en découle. Donc, pour en quelque sorte aider l’accusé à faire ce premier pas vers le salut, on le torturait avec pas mal de sérieux, de technique et de raffinement. Ensuite, il ne restait plus qu’à le condamner soit à la peine de mort, généralement agrémentée de nouvelles tortures, soit à un supplice, le tout en place publique. Il fallait bien impressionner les foules et les tenir dans une atmosphère de peur. Le supplice qu’on inflige à Katheline est terrible (on lui pose sur le crâne de l’étoupe et on lui incendie ainsi la tête) et elle est tellement meurtrie par ces tortures à rallonge qu’elle est devenue folle et comme, avec ses pieds brûlés (c'était une des tortures précédentes), elle est incapable de marcher, ils l’emmènent en chariot hors du territoire de Damme pour l’exil auquel ils l’ont, en plus, condamnée.

Que voilà de braves gens ! Ils ont vraiment tout fait pour sauver Katheline de l’emprise du diable. Encore que je ne pense pas que le feu et les flammes dussent l’effrayer beaucoup… Quelle bande de sadiques ! Et dire que ça se passait ici quelque part… Mais sûrement, le supplice imbécile qu’ils infligent à Katheline n'était qu’une goutte dans l’océan de douleurs, de tortures et de massacres qui va submerger l’Europe (sans compter l’Amérique…) de ce temps-là. Tu fais bien Marco Valdo M.I., mon ami, de relater ces épouvantables événements, car la folie humaine, surtout quand elle est institutionnalisée, est redoutable et est toujours prête à se réveiller. Alors, reprenons notre tâche et tissons le linceul de ce vieux monde inquisitorial, délateur, envieux, avide, sadique et cacochyme.


Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Katheline la bonne sorcière, en ce temps-là,
Par des simples et sans prières
Sauva de la mort sans autres manières
Les animaux d’un fermier de l’endroit.

Un bœuf, trois moutons, un cochon
Mais pas la vache de celui-là
Mal lui en prit, car le félon
De jeter des sorts l’accusa.

Accusation sans fondement et infâme.
On arrêta la bonne femme.
On la condamna à avouer ;
Par la torture, à avouer.

Le bourreau la mit nue et la rasa.
Il l’attacha sur le banc de torture.
Il versa l’eau chaude dans l’estomac.
Katheline vomit tant et tant de vomissure.

Avoue : tu es une sorcière.
Je n'avoue rien. j’aime les bêtes.
j’ai soigné la vache par des remèdes.
Avoue : tu es une sorcière.

Tu me voulus pour épouse dans le temps.
Pourquoi viens-tu si tard ?
Le nombre sacré tue ceux qui veulent m'avoir.
Le greffier dit : elle est folle, maintenant.

À Damme, le juge condamna Katheline
À avoir la tête brûlée et un exil de trois ans.
Sur la tête rasée de Katheline, on mit les étoupes.
Elles brûlèrent longtemps, longtemps.

Katheline gémit, pleura, cria, hurla ;
Dessus sa tête, enfin, les flammes cessèrent.
On détacha Katheline la bonne sorcière
Et hors de la ville, sur un chariot, on la mena.