mercredi 14 octobre 2015

Ode au Pape


Ode au Pape

Chanson française – Ode au Pape – Marco Valdo M.I. – 2015





Un Pape





Quoi ? Quoi ? Voilà-t-il pas que tu te mets à écrire des odes à présent et au Pape de surcroît ? En voilà une idée étrange… Tu aurais pu choisir une autre tête de Turc… Mais, tu m'étonneras toujours…


Mais enfin, Lucien l'âne mon ami, il n'y a rien d'extraordinaire à écrire des odes ; ça fait bien longtemps qu'on en compose. Et puis, j'en ai déjà écrit des odes. Certes, j'en conviens, l'ode est un genre poétique un peu solennel et un peu désuet. Il est d'ailleurs régi par certaines règles que je ne suis pas vraiment sûr de respecter. J'aurais aussi bien pu intituler cette chanson Oraison au Pape. Cependant, tu connais mon goût pour la parodie, genre quelque peu ironique. Cette ode-ci, note-le, est une parodie de cette Ode à Kesselring, version française (que je fis) du très beau texte de Piero Calamandrei : Lo avrai... que l'écrivain toscan adressait au Generalfeldmarschall ad ignominia – afin de marquer de la honte ce criminel nazi.


Dois-je comprendre qu'il y a là comme un lien, comme une liaison, une sorte de correspondance, comme un soupçon d'ironie… Ce serait sacrilège et il fut un temps où un tel rapprochement, même fortuit, aurait valu les pires ennuis à celui qui l'aurait effectué.


Je le sais bien. D'ailleurs, le poème de Calamandrei fut très critiqué par les Stahlhelm et les anciens de l'armée hitlérienne. Mais, Lucien l’âne mon ami, c'est précisément face à la résurgence d'une telle domination que j'ai évoqué ce monument. Je te le dis en toute confidence, il ne faut pas s'y tromper, de tous les côtés qu'on se tourne, les religieux et les religions nous assaillent et manœuvrent à conquérir ou reconquérir le monde et à embrigader les humains. Et nous, nous deux et d'autres, nous nous refusons à subir pareilles manipulations. Alors, avec ce petit texte, je nous replace dans la lignée de Valdo et de sa Fraternité des Pauvres, de Marguerite et de Dolcino, de Jean Meslier, de Voltaire…


Oui, « Noï, non siamo cristiani, siamo somari ». Et pour étendre le propos hors des murs de l'urbs, je te rappelle qu'ailleurs dans le monde, des hommes en massacrent d'autres au nom de Dieu et souvent, ils ajoutent : « le seul Dieu ». Tonton Georges disait à propos des idées  :
« Des idées réclamant le fameux sacrifice
Les sectes de tout poil en offrent des séquelles
Et la question se pose aux victimes novices
Mourir pour des idées, c'est bien beau mais lesquelles ? » et il en va de même de Dieu :
« Un seul Dieu, c'est bien beau, mais lequel ? »


Bof ! In fine, peu importe. Ce qui compte vraiment, c'est que les sectaires de tous poils laissent les femmes et les hommes (les enfants, les vieillards, les filles, les garçons, les hétérosexuels, les homosexuels et les pas sexuels du tout…) vivre sans jamais interférer dans leur quotidien. Et pour ce qui est de Dieu (lequel, en effet?) qu'il retourne à son néant dont on n'aurait jamais dû le sortir.


Mais n'est-ce pas là un combat contre des moulins à vent du passé depuis longtemps sans ailes.


Comme j'aimerais que tu aies raison sur ce point, Lucien l'âne mon ami, toi qui les connais si bien ces moulins, toi qui les as vus de très près ces moulins de Don Quichotte, du temps où tu véhiculais Sancho Panza sur ton dos. Malheureusement aujourd'hui, dans ce monde, on tue les athées car ils sont athées ; dans ce monde aujourd’hui, on voit refleurir les étranges fleurs des bûchers. Et ici, en Europe, au nom d'une soi-disant tradition venue d'ailleurs, de racines exotiques, on veut museler la libre parole, la libre pensée, la libre conscience. On veut soumettre l'individu et sa liberté aux diktats de livres abscons. J'entends certains inspirés réclamer que l'on réinstitue le délit de blasphème, qu'on punisse les mécréants… qu'on abroge les lois qui protègent la liberté humaine . Ces illuminés réclament qu'on aille comme s'en vont les écrevisses, à reculons, à reculons. Voilà le pourquoi de cette chanson et comme tu l'entends, elle ne vise pas seulement le doucereux personnage romain.


Je le comprends bien, Marco Valdo M.I. mon ami et « qui se sent rogneux qu'il se gratte » ou en picard : « Si i s'sint ronieuw, i n'a qu'à s'gratter ». Enfin, car il faut bien en finir, je ne peux qu'approuver pareille démarche libertaire. Alors, reprenons notre tâche et tissons le linceul (en italien, il sudario – du latin : sudarium) de ce vieux monde insinuateur, doucereux, prédicateur, incendiaire, assassin et cacochyme.


Heureusement !


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.




Tu l'auras,
Pape de Rome,
Le monument que tu exiges de nous autres humains,
Mais avec quelles mains,
Mais avec quels hommes,
Mais avec quelles pierres on le construira,
C'est à nous de le décider.

Pas avec les pierres enfumées
Des villages ravagés par les croisades,
Pas avec la terre des cimetières
Où les mécréants jeunes encore
Furent rejetés au dehors,
Pas avec la neige inviolée des montagnes
Où Marguerite et Dolcino vous défièrent,
Pas avec le printemps de la pensée qui nous vit grandir.

Mais seulement avec le silence des torturés,
Plus dur que tous vos bûchers,
Mais seulement avec les bras des mécréants,
Hommes sages et indépendants,
Volontairement engagés
Pour la dignité et pour la raison
Et décidés à effacer
La honte et la soumission.

Si tu voulais un jour dominer le monde,
Tu nous trouveras partout à la ronde,
Morts et vivants avec le même engagement
Libres autour du monument
À la liberté et l'amour
Qui clame avec confiance :
Maintenant et toujours,
Résistance !

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