lundi 24 février 2014

LE CRUCIFIX DANS LES ÉDIFICES PUBLICS : UNE EXPÉRIENCE PERSONNELLE

LE CRUCIFIX DANS LES ÉDIFICES PUBLICS : UNE EXPÉRIENCE PERSONNELLE

Version française des Dernières Nouvelles de l'UAAR – Union des Athées, Agnostiques et Rationalistes. (23 février 2014) :
Texte italien :http://www.uaar.it/news/2014/02/23/il-crocifisso-negli-edifici-pubblici-esperienza-personale/



Précepte

Italiens, encore un effort pour devenir laïques !



Pour les amis belges ou résidant en Belgique, mais intéressés par le combat laïque en Italie et de façon plus large, en Europe, l'Asino Nuovo publie la traduction de certains textes provenant de l'UAAR (Union des Athées, Agnostiques et Rationalistes), association qui en Italie ou si l'on veut, en plein cœur du Catholand, relève de la résistance pure et simple (Ora e sempre : Resistenza !) à l'oppression millénaire de l'ECAR (Église Catholique Apostolique et Romaine). Une lutte de tous les jours, même le dimanche. Mais le combat n'est pas moins important dans le reste de l'Europe où on n'en finit pas d'inventer des racines chrétiennes aux enfants de Monsieur de Cro-Magnon.



Ainsi Parlait Lucien Lane




Il est aberrant au vingt et unième siècle que dans un pays de la Communauté Européenne ou de l'Union, comme on voudra... un père craigne pour l'intégrité de ses enfants du fait qu'il a exprimé son opinion relativement à la présence ou non de signes religieux dans les écoles et les lieux publics. Mais rien n'est impossible en Catholand où règne l'intolérance catholique. Une ambiance quasiment inquisitoriale et moyenâgeuse, assez comparable à celle qui existait en Allemagne dans les années 30 du siècle dernier. Ou en Italie à la même époque...
Si j'ose dire, c'est à n'y pas croire...


Et pourtant, voici un témoignage direct venu tout droit de Turbigo, village du Nord de l'Italie.


L'ÉGLISE DE TURBIGO




Daniele Pulvirenti, père de trois fils, est incroyant. Il vit à Turbigo, un petit village à la frontière entre la Lombardie et le Piémont, pratiquement immergé dans le bois du Ticino. Il a contacté l'Uaar et a gentiment consenti à la publication de son expérience des dernières semaines.

Il y a environ un mois, j'avais commenté sur Facebook un article de 2006 qui parlait d'un imam de Segrate qui se disait prêt à lancer sa bataille contre les infidèles et appelait ses adeptes à la mobilisation. Dans mon commentaire, j'écrivais que dans beaucoup de pays à majorité islamique, on prétend que les enfants de 7 ans mémorisent le Coran (qui comme tous les livres sacrés se prête à des interprétations) et on sait qu'à cet âge, les enfants absorbent tout, tuant ainsi leur raison. La plus grande part de l'éducation religieuse est le fait de l'enseignant : si l'enseignant est un fanatique et apporte la haine, les enfants croîtront dans la haine, motif pour lequel je suis contre l'enseignement de la religion catholique dans les écoles maternelles et élémentaires. Vu que notre société, que ça plaise ou non, est multiethnique, le crucifix dans les écoles et dans les lieux publics est un abus catholique évident pas seulement vis-à-vis de ceux qui sont d'une croyance différente, mais aussi vis-à-vis de ceux qui, comme moi, ne croient pas.

Un journaliste d'un hebdomadaire local me contacta et me demanda si j'étais disposé à approfondir le sujet. J'ai accepté, à condition que les questions et les réponses soient faites par email et qu'elles ne soient pas politisées, puisque je fréquente parti ouvertement de gauche et une liste civique dans l'opposition à l'actuelle majorité de centre-droit. Le journaliste accepta et je fis un document en puisant beaucoup d'informations mises à disposition par l'Uaar. Il en résulta quatre pages d'une analyse neutre des rapports entre l'Église et l'État, de la Constitution et de sentences. L'article est sorti il y a exactement deux semaines avec un ton provocateur sous le titre retentissant : « Daniele Pulvirenti provoque la commune : les crucifix hors des écoles et des lieux publics » et dans les affiches publicitaires « Daniele Pulvirenti provoque : les crucifix hors des lieux publics et les écoles ». J'admets que voir mon nom affiché sur les murs du village, cela m'a légèrement impressionné. À Turbigo, je ne suis certainement pas une personnalité.

S'en est suivi la réaction de la population turbigaise. Le jour même de la sortie de l'hebdomadaire « Altomilanese », je me rends au kiosque où je trouve un monsieur entre deux âges qui s'exclame : « Mais qui est ce fou qui voudrait enlever les crucifix ? » Le marchand de journaux répond moitié-amusé, moitié-préoccupé : « C'est lui, ce monsieur à côté de vous». Il me regarde… ses yeux derrière les lunettes et sous son chapeau lancent des éclairs et il me dit : « Mais pourquoi ? C'est notre tradition, notre religion ». Je réponds avec la plus grande froideur et le plus grand calme : « C'est votre opinion, votre religion n'est pas la mienne, c'est votre tradition vu que je ne voudrais jamais me reconnaître dans un Pays qui a dans sa tradition des crimes atroces au nom d'un dieu que je ne reconnais pas ». Son regard chargé de haine me gèle. Il sort en me disant « Vous êtes une mauvaise personne ! ».

D'autres personnes dans les jours suivants m'arrêtaient et me demandaient des explications. Expérience dure, mais instructive. Dans mon ingénuité, j'espérais que le journal mettrait l'interview sous l'angle du dialogue et pas de la provocation. Provoquer un catholique intégriste pourrait être dangereux pour quelqu'un qui a des enfants en âge scolaire, mais aussi pour sa propre intégrité. Je ne nie pas que les premiers jours, je me sentais comme celui qui fait des révélations dangereuses, je cherchais à comprendre ce qu'un concitoyen pensait de moi maintenant que je m'étais révélé publiquement sur ce thème tabou. Je me remets en contact avec le journaliste en lui faisant mes représentations. Sa réponse est que le directeur a apprécié mon courage, qu'il y avait des personnes comme moi. La réplique sortirait la semaine suivante. Et ce fut ainsi.

Le vendredi suivant sort le second article sous le titre : « Crucifix dans les lieux publics, l'Église se tait. Sur la polémique soulevée de Daniele Pulvirenti, don Luigi ne se prononce pas, pourquoi ? ». Le journaliste contacte le curé, qui s'enferme dans un silence assourdissant, tout comme l'Assesseur à la culture. Parlent une citadine (d'accord avec moi) pendant que contre moi, on retrouve des représentants politiques de la Ligue (mais il n'y a pas de mystère vu que c'est précisément leur cheval de bataille de jeter la religion catholique au visage des gens pour porter en avant leurs programmes anti-intégration et xénophobes) et le chef de groupe de la liste du maire. Ce dernier commence par ces phrases : « Le crucifix représente nos traditions et nos racines chrétiennes. Par conséquent, il est notre devoir et c'est notre volonté de défendre et valoriser tout ce qui identifie notre identité. Nous croyons que la profonde culture qui caractérise notre terre est fondée sur des principes comme le respect de l'homme, l'unité de la famille, l'amour, la paix et la bonté d'âme. Valeurs inaliénables que la tradition chrétienne a vraiment contribué de manière cruciale à construire. Nous ne comprenons pas comment elles peuvent déranger quelqu'un. Au contraire, nous croyons que ces valeurs sont le fondement d'une cohésion sociale à la base de notre vie commune ».


Avec ma femme, j'ai lu bien deux fois cette hallucinante réponse, où on confond christianisme et catholicisme, où il est évident que les motivations présentées par cette personne ne reposent sur aucune base crédible. En fait, il y aura un troisième article où ma femme répond mot à mot à ces paroles, où nous demandons à cette personne de nous donner une explication car, malgré que nous ne soyons pas croyants, nos enfants bénéficient de la meilleure éducation (les enseignants nous le disent ; quoique pour nous, ce devrait être une chose normale), ont le respect des autres personnes qu'elles soient de couleur, de religion et de pensée différentes des leurs, de nous donner des explications sur ce que nous devons raconter à nos fils des traditions catholiques qui sont parsemées d'exterminations (voir Incas et Aztèques), de prédations et de guerres au nom de Dieu (voir Croisades), d'oppression de la liberté de pensée (voir l'Inquisition, Galilée, Giordano Bruno et d' interminables listes).

Le vendredi 31 janvier est sorti l'hebdomadaire avec la réponse de ma femme. Entretemps, le discours a été politisé car sur la liste civique que je fréquente, il y a beaucoup de croyants et l'un d'entre eux est peu disposé à affronter certains propos. D'autres par contre au nom de la liberté d'opinion acceptent avec réserve, d'autres encore, mais ce sont ceux qui ont un niveau d'instruction le plus élevé, admettent les limites des catholiques, admettent leurs incohérences. Sur la page Facebook de la Ligue du Nord locale, par contre, ils attribuent mes déclarations au parti de gauche que je fréquente mais dont je ne suis pas membre. Et je pense sérieusement si je dois m'y inscrire ou non, vu que leur direction s'est scindée sur ce sujet. Peur de perdre des votes des croyants catholiques aux communales, malgré qu'au niveau national dans son programme, ce parti a inscrit la laïcité de l'État.


Daniele Pulvirenti

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