jeudi 6 février 2014

QUE NE CROIENT PAS... CEUX QUI CROIENT ?

QUE NE CROIENT PAS... CEUX QUI CROIENT ?



Version française des Dernières Nouvelles de l'UAAR – Union des Athées, Agnostiques et Rationalistes. (5 février 2014) :



Précepte laïque
Italiens, encore un effort pour devenir laïques !


Qui croit ? Qui croit quoi ? Qui croit qui ? Qui croit en qui ? Qui croit en quoi ? Qui croit en croix ? On n'en finirait pas avec ces croyances, tant il y en a – depuis les sectateurs de l'oignon jusqu'aux sectateurs de la croix et du croissant. On croit en tout, on croit en rien, tout porte à croire, chacun porte sa croix... Tel est, en gros, le thème de l'article de nos amis de l'UAAR. Mais l'affaire avait déjà été réglée par Aristote, Euclide et leurs incursions dans le domaine de la logique. Rappelons les éléments essentiels à notre propos : d'une proposition positive, on peut tirer une conclusion certaine, qui par ailleurs, peut être multiple ; d'une proposition négative, on ne peut tirer aucune conclusion certaine. Revenons à notre oignon : proposition positive : croire, croyant... proposition négative : non-croyant, non-croyance... Le croyant croit et on peut, il peut indiquer en quoi il croit ; le non-croyant ne croit pas et pour indiquer en quoi un non-croyant (sceptique, mécréant...) ne croit pas, on ne peut avancer comme hypothèse que le fait qu'il ne croit pas en ce qu'il est de coutume de croire, en ce qu'il faut croire... Le non-croyant n'existe comme tel que pour le croyant ; pour le non -croyant lui-même, la croyance, c'est un néant, un vide, un rien, un objet insignifiant. Elle est rigoureusement hors de propos, absurde. En fait, ceci revient à dire que la croyance existe pour le croyant et seulement, pour le croyant. Contrairement à l'eau, ou à la terre ou même, au temps qui existent ou qui sont, c'est du pareil au même, pour tous les humains. Ainsi, on pourrait imaginer une conversation entre quelqu'un qui verrait des éléphants roses voler dans le ciel, suite sans doute à des libations et un personnage plus sobre auquel l'éméché entendrait imposer ses éléphants et à partir d'eux, toute une série de règles de vie... Il se peut aussi qu'on attribue aux éléphants roses toutes sortes de qualités et une capacité plus ou moins infinie d'intervention dans la réalité quotidienne. On conviendra aisément que le fait de croire aux éléphants roses et à leurs étranges capacités ne pose en soi aucun problème tant que l'on garde ces gentils proboscides dans la sphère privée... On peut même chanter « J'aime bien les éléphants, fan, fan, les éléphants... », mais la plaisanterie doit s'arrêter là, à la frontière du délire.
L'UAAR aborde la chose différemment, mais dans le fond, c'est la même exigence logique. Tout comme la croyance circonscrit d'elle-même son domaine et celui où peut valablement opérer le croyant ; l'existence elle circonscrit son domaine elle-aussi, à ce qui existe ; en somme, à ce qu'on a coutume d'appeler le réel, qui est le domaine commun .
Un dernier mot sur l’ambiguïté du mot croire... Nos amis de l'UAAR évoquent l'idée que le non-croyant – finalement – croit en des principes, des valeurs, etc... Je pense que si cela est le cas de certains non-croyants, il en est d'autres – dont le soussigné, qui se définit comme mécréant – qui ne « croient » rigoureusement pas (ni à un dogme, ni à un parti, ni à un Dieu, un principe, ni...), ils « pensent » que telle ou telle valeur, tel ou tel principe... sont ou non acceptables, justes ou au contraire, injustes, inacceptables... dans le monde du mécréant, on est donc là dans un autre univers, dans un monde hors de toute superstition... On ne saurait croire, ma bonne dame, comme cela change les choses...











Il n'aura échappé à personne que le titre de cet article n'est rien d'autre que la paraphrase du titre d'un livre écrit à quatre mains par Umberto Eco et Carlo Maria Martini : « À quoi croit qui ne croit pas ». La classique phrase à effet qui analysée du point de vue strictement logique n'aurait qu'une seule réponse possible : c'est-à-dire « rien », comme eut à commenter Piergiorgio Odifreddi (qui se demanda « que mange qui ne mange pas ?»), mais qui en réalité, sous-entend deux acceptions du concept de croire. Dans la phrase « en quoi croit qui ne croit pas », on distingue en effet un sujet, celui qui ne croit pas à l'existence de Dieu, et un verbe impliquant que les incroyants croient de toute façon à quelque chose. Évidemment que c'est ainsi, « ils croient » en effet en des valeurs et des principes qui sont généralement communs à la plupart des gens, croyants compris, comme la liberté, la démocratie, les droits humains. Et ainsi de suite.

Si cependant on tente de retourner la phrase, le résultat fonctionne seulement partiellement. L'univers des croyants est extrêmement bariolé, il y a tant de croyances qui interprètent le monde de façons divergentes et même à l'intérieur d'une même foi, les fidèles ont une sensibilité et des modalités d'approche de leur foi très différentes. Quelqu'un objectera que le même discours vaut pour les incroyants, et il aurait certainement raison car il n'existe pas d'incroyant standard. Mais si on se limite à analyser en quoi croit qui ne croit pas, le résultat est presque universellement valable, car justement il s'agit de principes. Le résultat de l'hypothèse opposée peut être aussi valable ? Peut-être non, il n'y a pas beaucoup de choses que les croyants, tous les croyants, ne croient pas.

Peut-être seulement une : ils ne croient sûrement pas que les incroyants aient raison de refuser l'existence de Dieu, et spécialement celui d'Abraham. Du reste, s'il n'en était pas ainsi, ils seraient des incroyants, eux-mêmes. Au-delà, il y a beaucoup de choses qui ne sont pas crues par une partie des croyants, une partie plus ou moins vaste selon l'objet. Par exemple, beaucoup ne croient pas qu'accorder des privilèges à la foi majoritaire constitue un vulnus (une atteinte) à la laïcité de l'État, et dans ce cas, ce seront presque toujours fidèles de cette même foi. Tout comme ils ne croient pas que soit un problème l'exposition de leur symbole, en acceptant même de le ramener à un pur gadget afin de le voir trôner dans les lieux publics.

Ils ne croient pas que la présence de chapelains et d'assistants spirituels dans les institutions publiques, des hôpitaux aux prisons, en passant par les casernes et même par le parlement, puisse être considérée comme envahissante ; au maximum, les plus avisés admettront que le problème se pose dans l'instant où les dépenses y relatives grèvent les poches de tous. Et peut-être après, il y aura des dissonances sur que considérer effectivement comme charge.
Beaucoup ne croient pas qu'à l'heure de religion à l'école, on fait du catéchisme, car peut-être lorsqu'ils allaient à l'école, le prof de religion interprétait le sujet en désaccord avec le prescrit de l'Église et du Concordat, ou bien, l'heure de religion ne la faisaient pas du tout car leur professeur unique en primaire (avant la révision concordataire) n'estimait pas nécessaire de la faire. En avançant vers des interprétations moins tolérantes, trop de croyants ne croient pas qu'il soit licite de soutenir publiquement l'inexistence de Dieu, pour aucun motif, car cela leur paraît offensant envers qui croit et préjudiciable pour n'importe quelle religion. C'est pire encore si au lieu de Dieu, il y a Mahomet. En même temps, ils ne croient pas qu'il soit offensant de présenter les incroyants comme des gens dépourvus d'éthique, et souvent ils considèrent même que ce sont des personnes intrinsèquement mauvaises.

La religion au sens large et la religion dominante en particulier sont naturellement intrinsèquement bonnes (aux yeux des croyants...) . Pour eux, il va de soi qu'en Italie, c'est l'Église catholique (ÉCAR Église Catholique Apostolique et Romaine) qui est intrinsèquement bonne et ils refusent de croire qu'elle puisse être guidée par un esprit de suprématie et non humanitaire. Pour eux, les considérables financements publics sont bienvenus qui seront certainement employés en soutien des nécessiteux, comme le montrent les spots télévisés sur le « huit pour mille ». Par chance, il y a aussi beaucoup de croyants, en grande partie appartenant à des confessions minoritaires, bien conscients de la frontière entre cléricalisme et foi, conscients du fait que souvent celui qui refuse de voir ce qui est (selon la religion), ou devrait être selon la religion..., évident pour tous n'est pas du tout de « mauvaise foi ». Et finalement, si la foi religieuse est amour, même les religieux n'arrêtent pas de le dire, et s'il est vrai que l'amour est aveugle, il doit aussi être vrai que la foi n'a pas toutes ses dioptries. Sans offenser personne.

La rédaction



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